Permis de conduire : La traque aux chauffards

Selon les statistiques de l'Office de la sécurité routière (OSER), près de 6 000 accidents de la route sont enregistrés dans notre pays chaque année. Ces accidents occasionnent en moyenne 600 morts et 13 000 blessés. 94% d’entre eux sont dus à des facteurs humains (conducteurs ou usagers) et 6% sont imputables à d’autres facteurs, tels que le mauvais état des véhicules et du réseau routier. Mais, en 2018, le nombre d’accidents est passé de 8 671 à 9 826. Une hausse qui a sonné l’alerte et amené les autorités à réactiver un vieux programme, celui de la Commission de suspension et de retrait du permis de conduire. La guerre semble déclarée et les membres de ladite commission, avec à leur tête le ministre des Transport Amadou Koné, semble déterminés à sévir.

Au cours de l’année 2019, le ministère des Transports a saisi près de 300 permis de conduire en Côte d’Ivoire. Une opération menée de main de maître par la Commission de suspension et de retrait du permis de conduire, « ressuscitée » en 2018. Après 20 ans de sclérose, au fin fond des tiroirs poussiéreux du département des Transports, cette commission a quasiment passé l’année 2018 à s’échauffer, avant de prendre le départ sur les starting-blocks. « Il fallait réactiver la commission, vu l’urgence de la situation », explique un membre du cabinet du ministre des Transports. Depuis maintenant plusieurs années en effet, les accidents de circulation ont amorcé une inquiétante courbe ascendante. En 2018, le nombre de sinistres sur la voie publique a connu une hausse fulgurante de 13,28%, passant de 8 671 à 9 826. Sur ces 9 826 accidents, les services de police ont enregistré 9 270 atteintes corporelles et 556 accidents mortels, pour 623 décès. D’après l’Office national de sécurité routière (OSER), les facteurs humains liés aux comportements des conducteurs sont pour 94% à l’origine de ces accidents. Une analyse qui n’a pas échappé au ministère des Transports. « En réalité, la Commission de suspension et de retrait du permis de conduire existait depuis presque 20 ans. Le seul problème, c’est qu’elle n’était pas activée », ajoute notre source au cabinet du ministre Amadou Koné. Après sa réactivation, la Commission siégeait seulement une fois par an. Un rythme qui devrait évoluer et devenir mensuel à l’avenir. C’est l’objectif visé par le ministère, qui veut remettre de l’ordre et réduire de façon drastique les accidents de la circulation.

Permis retirés Puis, il a été décidé que ce serait désormais 3 fois dans l’année. En janvier dernier a eu lieu la première session de l’année 2020. Sur 39 dossiers analysés, dont 14 relatifs à des accidents mortels et 16 à des accidents corporels, 28 ont fait l’objet de suspension de permis de conduire par la Commission. Les sanctions varient de 3 mois avec sursis à 15 ans fermes de retrait du permis de conduire, selon les circonstances de l’accident. Lucien Tiesse, Directeur de la circulation à la Direction générale des transports terrestres et de la circulation (DGTTC), par ailleurs Président de la Commission, n’a pas manqué de souligner la responsabilité des conducteurs dans ces sinistres. Les sanctions, selon lui, sont ainsi prises après analyse des dossiers par l’ensemble des membres de la Commission. Concernant les sentences, par exemple, un agent de la Société des transports abidjanais (SOTRA), à l’origine d’un accident mortel, a écopé de 10 ans fermes de retrait de permis de conduire, tandis qu’un autre, de la Société de distribution de l’eau (SODECI) prendra seulement 12 mois. L’auteur d’un carambolage sur l’autoroute du nord intervenu dans le mois de décembre 2019 a lui aussi vu son permis être retiré pour une période de 15 ans. « Cela signifie que, pendant les 15 années à venir, il ne pourra pas conduire. Et, après ces 15 ans, il devra repasser son permis avant de retoucher à un volant », indique notre source au ministère des Transports.

Accidents En février, une seconde session pour 2020 a suivi. Pendant les travaux, la Commission a expliqué que 30 permis de conduire ont été retirés à des conducteurs auteurs d’accidents ou coupables d’indiscipline au volant. Ce sont au total 37 dossiers qui ont été analysés par les experts. Dont 15 relatifs aux accidents mortels, 14 aux accidents corporels et 7 aux infractions. Mais la lutte ne fait que commencer. Et personne ne semble s’opposer à cette traque aux chauffards, qui démarre plutôt sur des chapeaux de roues. « Vous n’avez qu’à regarder le nombre d’accidents de la circulation pour comprendre la nécessité de cette commission. Les gens pensent que c’est contre nous, les transporteurs, que la Commission a été créée. Mais il y a plus de permis saisis chez des usagers qui ne sont pas dans le transport public », applaudit Drissa Diaby, Président de l’Association des détenteurs de taxi-compteurs de Côte d’Ivoire. La répression, à l’entendre, ne pourra qu’être bénéfique pour l’ensemble du secteur du transport. À ce sujet, d’ailleurs, Lucien Tiesse, Directeur de la circulation à la Direction générale des transports terrestres et de la circulation, se réjouit du nombre de sessions, qui passera désormais à trois dans l’année.

Prudence En février dernier, pendant la seconde session, M. Tiesse, a rappelé la nécessité de garder cette ferveur dans la lutte qui anime les acteurs : « nos populations doivent comprendre que les manquements en termes de sécurité routière ne seront plus tolérés. Nous avons le devoir de maintenir le cap, sinon de faire mieux pour aider l’autorité à extirper tous les mauvais conducteurs du circuit ». C’est justement à ce niveau que le bât pourrait blesser, selon Adama Yéo, porte-parole des chargeurs et également Président du Groupement des chauffeurs. Le transporteur signale que plus les chauffards seront extirpés de ses rangs, mieux le transport ivoirien se portera. « Mais ce que nous demandons, c’est que c’est la lutte soit bien menée, sans parti pris. Si quelqu’un est fautif, qu’on le sanctionne comme il le faut, même s’il a des relations dans un ministère quelconque », fait savoir le transporteur. À ce niveau, Drissa Diaby semble rassuré : « après un accident, c’est le rapport du constat établi par la police qui est analysé. Je crois qu’aucun policier ne fait un rapport d’accident avec un parti pris. Et tant que le rapport d’accident sera cohérent, les sanctions seront justes ». Cependant, au niveau des usagers, on est plutôt du genre à être circonspects. Marius Comoé, Président de la Fédération des associations de consommateurs actifs de Côte d'Ivoire, parle surtout d’assainissement. « S’il y a aujourd’hui du désordre dans le transport, c’est en partie à cause de l’inconduite des chauffeurs. Nous savons que, dans ce milieu, les véhicules appartiennent à divers personnes. Même à des commissaires de police ou à des fonctionnaires travaillant dans les ministères. Il faudra éviter de faire du deux poids deux mesures. Parce que c’est la meilleure manière de saper une lutte », prévient le Président de la Fédération des associations de consommateurs actifs de Côte d'Ivoire. Aux dires de l’usager, les mesures qui ont échoué par le passé l’ont fait parce que ceux qui sont censés les appliquer n’ont pas donné l’exemple. Mais cela n’arrivera plus. C’est, en tout cas, l’assurance du ministère des Transports. « C’est une volonté du gouvernement. Et une nécessité absolue aujourd’hui », indique notre interlocuteur auprès du ministre Amadou Koné. Ce jeudi 12 mars, dit-il, la Commission de suspension et de retrait de permis de conduire se réunira pour sa troisième session de l’année. Preuve que le ministère ne veut pas abandonner la lutte en si bon chemin.

Raphaël TANOH

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