Espace politique : les nuages s’amoncellent

Ils ont tous le pied sur l’accélérateur comme s’ils étaient engagés dans une course contre la montre. Entre le RHDP qui annonce un congrès le 26 janvier, le PDCI qui annonce pour le premier trimestre 2019 la mise en place effective d’une plateforme de partis politiques et le RACI qui souhaite tenir un congrès en avril, l’on voit se dessiner les intentions des uns et des autres. 2020 est plus que proche et chacun avance ses pions dans l’optique de prendre une avance sur ses potentiels adversaires. L’on pourrait démarrer l’année 2019 sous de chaudes batailles de positionnement et de campagne avant l’heure. Les candidats potentiels n’ont plus le choix d’avancer masqué et ils devront se déterminer.

Vingt-deux mois séparent désormais les ivoiriens du rendez-vous politique le plus attendu depuis 2011. Celui de la présidentielle. Si elle devait consacrer la fin de l’ère des trois grands leaders des trois dernières décennies (Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo) la révision constitutionnelle de novembre 2016 qui consacre la levée de la limite de l’âge des candidats, les a tous remis dans le jeu. Une nouvelle donne qui crispe et frustre les ambitions des nouvelles générations qui, dès 2013 s’étaient rangés dans une querelle de positionnement dans la course au trône. La divergence au sein de la famille des Houphouëtistes n’a pas n’ont plus facilité les choses. Bien au contraire, l’union apparente a été sacrifiée à l’aune des objectifs politiques de chaque camp. Désormais dos à dos, et avec une opposition vacillante, ils sont passés du duel au duo, de la complicité à l’adversité et devront s’affronter dans les urnes. Premier test, les élections municipales. Remportées par le Rassemblement des Houphouëtistes pour la paix et la démocratie (RHDP) elles posent les bases de 2020. Le prochain test pourrait être la formation de nouveaux groupes parlementaires au sein de l’assemblée nationale et du sénat. Les groupes parlementaires du Rassemblement des républicains (RDR), de l’Union pour la démocratie et la paix (UDPCI) devraient être rejoint par d’autres élus du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) afin de former un groupe parlement unique. Celui du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Un autre groupe parlementaire de députés qui revendiquent leur proximité avec le président du parlement ivoirien Guillaume Soro devrait également voir le jour. Les animateurs de cette branche planchaient sur une trentaine de parlementaires avant de revoir leurs ambitions à la baisse et parler d’une quinzaine d’élus sans non plus donner de liste.

Course à la montre « Nous allons lancer la machine à partir de janvier et plus rien ne nous arrêtera » nous avait confié un cadre du RHDP. Initialement prévue pour la mi-décembre, le congrès de cette coalition a été décalé au 26 janvier. La transition de 12 à 18 mois pour la disparition des partis ramenés de 3 à 6 mois. Tout est fait comme si le RHDP dans sa composition actuelle a décidé de mettre « fin aux hésitations et tergiversations » pense un observateur. En face, même si, selon une source proche du PDCI plusieurs partis et personnalités politiques sont favorables à la mise en place d’une nouvelle plateforme politique, « les débats de fond ne sont pas encore engagés. » Mais cela ne saurait tarder poursuit ce dernier tout en confiant qu’à partir du 15 janvier il devrait avoir plus de lisibilité dans la démarche de cette coalition. « Il ne s’agira pas d’une coalition à l’image du RHDP. Chacun gardera son identité, sa liberté et sa ligne politique. Il ne sera pas non plus question d'une candidature unique en notre sein mais plutôt d’un soutien que les autres devront apporter au meilleur en cas de second tour à l’élection de 2020 » confie l’un des leaders de cette coalition par ailleurs ancienne figure du RHDP entre 2005 et 2013. La rupture définitivement consommée entre les alliés d’hier ouvre la porte à un grand choque pour 2020. « L’absence d’une opposition et d’une alternative crédible en face a favorisé le clash au sein de la famille des Houphouëtistes. Et chaque camp essaie de piocher dans l’opposition qui elle-même doit en quelque sorte sa survie à cette situation » explique le politologue Maxim Tokpa avant d’ajouter que « 2019 sera le top départ de la course pour octobre 2020 et aucune surprise n’est à écarter. »

 

Tension politique Déjà dans les chancelleries et dans les bureaux des bailleurs de fond, la scission du RHDP ne laisse personne indifférent. Selon une source proche du ministère du Budget, certains investisseurs, sublimés par les performances économiques du pays entre 2012 et 2017, commencent à être réticents. « Les élections suscitent toujours des tensions. On l’a vu avec les élections locales où on a pu dénombrer 5 morts et plusieurs dégâts matériels. Cela ne rassure pas les investisseurs qui, il faut le reconnaitre, à moins de deux ans du scrutin, ne savent pas sur lequel des candidats parier » soutien un homme d’affaire prospère de la capitale Abidjanaise. Il n’est pas le seul à penser ainsi. Plusieurs investisseurs attendent d’avoir une « visibilité et une lisibilité » sur la scène politique afin de s’engager financièrement dans de nouveaux projets. Á raison d’ailleurs car, les conséquences de la crise postélectorale de 2010 sont encore fraiches dans les mémoires de ces derniers et certains investisseurs ont depuis lors mis les clés sous paillasson. « Aucun parti ne veut se décider à sortir son joker. Tous avancent comme si le sujet était tabou et cela est de nature à déchainer les passions et à susciter des inquiétudes pour la paix » poursuit Maxime Tokpa. Á en croire ce dernier, l’année prochaine devrait être une année « hautement politique » qui mettra en berne les activités économiques avec à la clé une atmosphère « assez lourde et un climat de méfiance. » Mais entre ces deux grands bords politiques traditionnels, un autre pourrait jouer les troubles fêtes.

 

Arbitrage ? Les surprises, ils pourraient en avoir assez. « Nous sommes prêts. Sauf changement de calendrier, Guillaume Soro devrait lancer sa machine électorale au premier trimestre 2019 » confie l’un de ses proches conseillers. Ce dernier selon des observateurs devrait avancer à équidistance du RHDP et du PDCI. « Nous sommes dans une reconfiguration du paysage politique. Il nous appartient de tracer notre chemin et d’aller vers la conquête des ivoiriens afin de leur présenter officiellement notre offre politique » poursuit ce dernier. Cette troisième voie qui prend naissance principalement au sein du RDR souhaite s’étendre au-delà de ce parti et asseoir sa base politique. « Le challenge est énorme. Dans un tel climat politique, il est difficile mais pas impossible de bâtir un électorat à moins de deux mois d’un scrutin surtout quand on a en face un parti comme le RHDP, le PDCI et avec une incertitude du côté du Front populaire ivoirien (FPI) » confie un diplomate qui estime qu’il faudra « bel et bien une troisième voie et peut être une quatrième pour départager le RHDP et le PDCI en 2020. » Mais l’on n’entend pas les choses de cette oreille dans l’entourage du président du parlement ivoirien. « Nous ne venons pas pour jouer les seconds rôles. Mais le rôle principal » rassure l’un de ses conseillers pour qui la défaite de certains proches de Guillaume Soro lors des élections municipales ne peuvent avoir « d’incident sur l’encrage de ce dernier auprès des populations. » La fin 2018 sert à chaque d’avancer ces pions et le début 2019 devrait permettre d’ouvrir les débats de fonds et les hostilités d’une bataille longtemps différée.

Ouakaltio OUATTARA

 

 

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