Gouvernement Amadou Gon II : L’antichambre de 2020 ?

Pléthorique pour certains, gouvernement de combat pour d’autres. Le suspens autour de la nouvelle équipe Amadou Gon n’aura duré que six jours. Même si l’on compte dix nouveaux entrants, sans grande surprise tous les ministres du gouvernement précédent ont été reconduits. Changement de maroquin pour certains, réduction du portefeuille pour d’autres, le gouvernement Amadou Gon II respecte la volonté du Président Alassane Ouattara de former un attelage uniquement aux couleurs du RHDP unifié, mais accentue la crise avec Henri Konan Bédié. Ce commando, qui pourrait rester en place jusqu’en octobre 2020, est quelque peu une équipe de précampagne qui aura pour mission de remobiliser les électeurs RHDP.

Lundi 8 juillet, alors que les plus folles rumeurs envahissent le pays sur les tractations concernant le nouveau gouvernement, quatre Présidents d’institutions foulent le sol du palais présidentiel. En tête, le Vice-président Daniel Kablan Duncan, précédé par le Président du Sénat Jeannot Ahoussou Kouadio, le Président du Conseil économique et social Charles Koffi Diby et l’Inspecteur général d’État Théophile Ahoua N’doli. Tous sont des cadres du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) favorables à la création d’un RHDP unifié avant 2020. Daniel Kablan Duncan s’entretient d’abord en tête à tête avec le Président Ouattara, qui reçoit par la suite les trois autres, puis les quatre ensemble. Même si rien n’a filtré de ces rencontres, elles se sont déroulées dans une atmosphère bon enfant, comme en témoignent les quelques blagues de la sortie d’audience, accompagnées de sourires, des dossiers de couleur verte en main. Contrairement à ses habitudes depuis 2011, Ouattara vient de former son premier gouvernement sans consulter « son ainé. » La rencontre entre la Présidente du Rassemblement des républicains (RDR), Henriette Dagri Diabaté, sa Secrétaire générale, Kandia Camara, et Henri Konan Bédié, le dimanche 7 juillet à Daoukro, à la demande de ce dernier,  n’a pas fait bouger les lignes. Chacun campe sur sa position et refuse de faire des concessions.  « Le Président du PDCI, Henri Konan Bédié, n’a pas changé de position et a même proposer à ses hôtes une rallonge de la période transitoire de 18 à 36 mois, avec une clause qui précise que désormais chaque membre pourra quitter l’alliance quand il le voudra », confie un cadre du PDCI. Le dimanche 7 juillet, Ouattara avait déjà consulté ses autres alliés du RHDP, à savoir les Présidents de l’Union pour la paix et la démocratie (UDPCI),  Albert Mabri Toikeusse, du Parti ivoirien des travailleurs (PIT) et du Mouvement des forces d’avenir (MFA) Siaka Ouattara. Le 9 juillet, le communiqué du bureau politique du RDR marque la rupture, en appelant « le Président d’honneur du parti à accepter d’être le Président du parti unifié RHDP ». Le gouvernement ainsi formé est rendu public le 10 juillet, avec convocation d’un Conseil des ministres le 11 juillet.

On garde les mêmes À la veille d’élections cruciales, municipales et régionales couplées, Alassane Ouattara, qui joue sur les contradictions internes au PDCI, n’a pas voulu prendre de risques, préférant jouer plusieurs cartes. En maintenant tous les anciens ministres issus des rangs du PDCI, et proposés à l’époque par Bédié, il laisse de façon tacite une porte ouverte à toutes les discussions à l’avenir. Les sortir du gouvernement les aurait clairement affaiblis face à leur base, à laquelle certains iront demander des suffrages dans trois mois. L’entrée de nouveaux ministres du PDCI favorables au parti unifié est tout de même un signal fort envoyé à Bédié, comme pour lui dire que la fronde interne est plus grande qu’il ne le croit, commentent des observateurs de la vie politique ivoirienne. « Ce gouvernement, composé uniquement de personnalités et partis favorables au RHDP unifié, est un signal pour les élections à venir et pourrait marquer une rupture définitive avec Henri Konan Bédié », prévient un cadre du RDR. Ce dernier confie également que pour les élections à venir le schéma devrait être le même. Ce qui sous-entend que certains cadres du PDCI pourraient affronter d’autres cadres du même parti qui postuleront sous la bannière RHDP. Un schéma sur lequel aucun observateur n’aurait parié quelques mois plus tôt.

2020 dans le viseur Ouattara a décidé de choisir ses hommes en fonction des objectifs de 2020, remettant en jeu l’UDPCI d’Albert Mabri Toikeusse, renforçant la présence des cadres du PDCI autour de lui et piochant un proche de Guillaume Soro, en l’occurrence Sidiki Konaté, quoique ce dernier ne soit plus en parfaite harmonie avec le Président du Parlement. Il donne ainsi un aperçu de ce que pourrait être son équipe pour 2020. « Sidiki Konaté a été et continue d'être la courroie de transmission entre Guillaume Soro et le Président Ouattara. Il n’a jamais tourné le dos à ses frères des ex Forces nouvelles », tranche l’un de ses proches. Dans les coulisses, il se dit qu’il aurait même été chaleureusement félicité par Guillaume Soro, en mission au Canada. Mais dans le même temps, préviennent certains observateurs, Ouattara ouvre la voie à d’autres alliances contre le RHDP. « La rupture de l’alliance entre Bédié et Ouattara ouvre la porte à d’autres, pour le PDCI mais aussi pour le RDR », a prévenu Pascal Affi N’guessan, dont le parti a décidé, le 10 juillet, de s’allier à un candidat déclaré PDCI dans la région du Gontougo (Est), qui devrait challenger Adjoumani Kobenan au poste de Président de Conseil régional. Un premier pas qui pourrait être suivi d’autres, dans d’autres localités. Les lignes devraient beaucoup bouger ces temps prochains et favoriser des intrigues politiques qui se feront et se déferont au gré des ambitions de chaque leader pour 2020. En embuscade, la tendance FPI soutenue par Aboudrahamane Sangaré. Même si elle n’a participé à aucune élection depuis la fin de la crise, elle conserve certainement son électorat, qui pourrait se transformer en faiseur de roi en 2020. « Pas à n’importe quel prix », prévient déjà un cadre de cette branche, qui prédit le retour du FPI aux affaires en 2020 dans un contexte de dislocation de l’alliance au pouvoir. « Ouattara ne séduit plus et ce qui se passe est de bon augure pour nous », lance-t-il. Il n’écarte pas la possibilité de conduire une alliance avec une partie des cadres du PDCI avec lesquels les discussions seraient bien avancées.

Représentativité Dominé par le RDR, avec 22 membres, contre 13 au PDCI, 2 à l’UPDCI, 1 au MFA, 1 au PIT et 2 à la société civile, le gouvernement Amadou Gon II confirme ce que la Secrétaire générale du RDR, Kandia Camara, ne cesse de clamer. « Le RDR est le premier parti politique du pays et cela est démontré par le nombre de ses élus », lance-t-elle à chaque fois qu’elle en a l’occasion. Mais en augmentant sensiblement le nombre de ministres PDCI (13 contre 10 précédemment), ce gouvernement se positionne comme une équipe de pré-campagne pour l’élection de 2020, qui s’annonce déjà serrée et centralise toutes les attentions. Avec 36 ministres et 5 secrétaires d’État, qui pourraient se marcher dessus si les places de parking ne sont pas clairement définies, le chef du gouvernement fait un calcul géopolitique. « Reste à savoir si tous ces ministres, de différents bords, ont un véritable poids électoral et pourront drainer du monde dans leurs différentes bases électorales » prévient le politologue Sylvain N’guessan.  « Ils sont pour la plupart des élus locaux, ils ont un passé avec les populations et, en étant ministres, ils pourraient renforcer ces liens », relativise Firmin Koffi, un autre politologue. Ils devront le prouver aux élections à venir. La tâche ne s’annonce pas aisée, dans la perspective où plusieurs alliances pourraient voir le jour.

Ouakaltio OUATTARA

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