COGES : Assurer le service après-vente

Créés en 1995, les Comités de gestion des établissements scolaires (COGES), à l’origine, devraient combler un vide laissé par l’État dans la gestion interne des écoles. Entretien, fonctionnement, voire l’intendance des infrastructures. Cependant, après plusieurs années d’exercice, pas de bilan et les sommes à payer augmentent tous les ans. Les plaintes des parents qui dénoncent trop de cotisations exigées par ces comités ont poussé l’État à d’agir. Ainsi, lors de son investiture, le Président de la République a annoncé la prise en charge des frais COGES. Cette annonce saluée par les populations, ne passe pas comme lettre à la poste. Le processus prend du temps et révèle peu à peu, la véritable tâche qui attend les autorités.

« J’ai décidé qu’à compter de janvier 2021, le gouvernement et les collectivités locales prendront en charge les frais COGES. Oui, les fameux frais COGES qui, jusque-là, sont supportés par les parents d’élèves dans le primaire et le secondaire », promettait le 14 décembre dernier, le Président de la République. Pour exécuter cette décision inédite, en fin d’année, la ministre de l’Education nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle a demandé aux COGES la suspension de toute levée de cotisations et dépenses en cours. Après une rencontre avec les représentants des 10 414 COGES du préscolaire/primaire et ceux des 549 COGES du secondaire général public, Kandia Camara a également demandé à ses hôtes de surseoir à tout décaissement de fonds au titre de l’année scolaire 2020-2021 et de faire le bilan de leurs trésoreries.

Une situation qui exhume jour après jour, la tâche herculéenne qui attend les autorités.  « Les frais COGES sont établis dans chaque établissement, selon ses besoins (frais de gardiennage, d’entretien, réparation, peintures, etc.) Et ils varient d’un établissement à un autre », note Claude Kadio, président de l’Organisation des parents d’élèves et d’étudiants de Côte d’Ivoire (OPEECI).

Sont-ce, l’ensemble de ces frais que l’État compte prendre en charge ? Rien n’est encore précis à ce sujet. Avec cette annonce, pour Kadio Claude, cela revient à dire que l’État reprend le fonctionnement de l’école en main. « On parle de plusieurs dizaines de milliards par an », souligne-t-il. Avant d’ajouter : « Même en prenant la plus petite moyenne des cotisations, qui est de 3000 F au primaire et 5 000 F au secondaire, multipliées par le nombre d’élèves au primaire et au secondaire, c’est très considérable comme budget », note le président de l’OPEECI. Or ce n’est pas cette moyenne que payent les parents par an, comme cotisations COGES.

Frais non uniforme Au lycée classique d’Abidjan, par exemple, les élèves de terminale doivent payer 19 000 FCFA en début d’année pendant leur inscription, comme frais COGES. Ceux de la première payent 17 000 FCFA, pendant que les élèves de la seconde s’acquittent de 16 000 FCFA. Ces frais sont fixes. Peu importe les besoins de l’établissement, pour les parents, il faut allonger la monnaie. Au lycée moderne d’Ebilassokro, le COGES fait cotiser des montants qui varient entre 6 et 8 000 FCFA, d’après André Koffi Tano, président COGES dudit établissement.

« Chaque établissement a ses besoins réels. Dans la région, si nous arrêtons les cotisations COGES, par exemple, il y aura des établissements sans enseignants », indique Serges Richard Coumoé, membre de la plateforme des présidents des COGES de l’Indénié-Djuablin. Parce qu’ils sont obligés de lever des cotisations chaque année pour embaucher des enseignants vacataires.

Le lycée Ebilassokro est également dans ce cas. Pour lutter contre le déficit d’enseignants, l’établissement a été obligé d’engager une demi-dizaine de vacataires. « C’est le COGES qui s’occupe de ces vacataires. C’est nous qui payons leurs salaires », explique André Koffi Tano, président COGES dudit établissement.

Selon lui, ces personnes doivent être payées à partir de fin janvier. Or, ajoute M. Koffi Tano, toutes les dépenses sont suspendues par ordre de la ministre de l’éducation nationale. Ce qui soulève, dit-il, la problématique de la prise en charge des frais par l’État. L’État va-t-il payer ces vacataires ? De nombreuses écoles sont dans cette situation et scrutent l’avenir.

Le nerf de la guerre Selon Koffi Tano, si chaque établissement veut véritablement exprimer ses besoins, ce sont des centaines de milliards qu’il faudra décaisser annuellement.  À entendre les responsables COGES, la question ne sera pas pour autant résolue même si l’État consent à injecter autant d’argent dans les établissements scolaires publics. « Cet argent sera-t-il versé aux établissements à la fin de l’année ou en début d’année ? Sera-t-il donné par tranche ou entièrement ? », S’interroge André Koffi Tano.

Pour Serges Richard Coumoé, les payements par tranches par l’Etat sont déjà difficiles à percevoir. « Dans les frais d’inscription en ligne, l’État est censé nous reverser 720 FCFA sur chaque élève. Cet argent est censé permettre la gestion de l’école. Mais c’est loin de suffire. En plus, c’est une somme qui arrive par tranche. Nous avons reçu cette année 350 000 FCFA comme première tranche.  Et plus rien », note André Koffi Tano.

Comment l’Etat va-t-il gérer cette situation ? Pour le président du conseil régional de la Bagoué, Siaman Bamba, il faut éviter d’aller vite en besogne. « Le Président de la République a bien spécifié que le gouvernement allait gérer la question, en collaboration avec les collectivités. Le moyen de financement sera donc étudié et proposé », explique-t-il. Quant à l’importance du financement, d’après lui, il mérite effectivement que l’on s’y attarde. « Ce sont des milliards de nos francs.  C’est très important comme investissement », indique-t-il. Mais, reconnaît M. Bamba, il était temps que l’État reviennent à son devoir régalien, c’est-à-dire, s’investir pleinement dans la gestion interne des établissements.

Mission impossible ? L’aide des élus locaux pourra-t-elle changer quelque chose ? Les COGES étant présidés par les présidents de conseil régionaux dans les lycées et les mairies au primaire, leur implication n’est pas encore éclaircie. « Jusque-là, nous n’avons pas encore été contactés. Les conseils régionaux que nous sommes, dirigeons les COGES au niveau du secondaire. Mais notre rôle n’a pas encore été décliné », note Siaman Bamba . Qui propose une rencontre d’informations sur le rôle qu’ils sont censés jouer.

Ce qu’on aurait dû faire, d’après Koffi Tano, c’est de demander plus de rigueur dans la gestion des COGES. Et créer des comités de suivis. « Il y a certains COGES qui ne gèrent pas bien les cotisations, c’est vrai. Mais il faut simplement les sanctionner », explique-t-il. Une proposition qui laisse certains responsables de COGES sceptiques. Il est difficile de sanctionner un responsable de COGES, selon Amara Sangaré, le président du COGES du Collège moderne du Plateau. « Je n’ai encore jamais vu un responsable de COGES se faire sanctionner pour mauvaise gestion. La seule chose qu’on peut faire c’est lui faire signer une reconnaissance de dette, s’il détourne de l’argent », précise-t-il.

Bien qu’il existe des textes, d’après lui, la sensibilité du milieu scolaire fait que les gouvernants évitent de sévir. Autant de faits qui rendent les COGES difficile à dompter.

Près d’une semaine après le début des bilans dans les établissements scolaires, à Abidjan, de nombreuses questions demeurent. La suspension des dépenses des COGES laisse de nombreuses charges fixes sans solution. Entre autres, le salaire des enseignants vacataires engagés dans certains établissements. « C’est un problème qui pourrait entraîner d’autres soucis », prévient Koffi Tano. À côté de cela, il y a la question des élèves qui ont déjà payé leurs cotisations et qui demandent à être remboursés. À l’intérieur du pays, les bilans n’ont pas encore débuté. Une mission de contrôle du ministère de l’éducation nationale envisage faire le point. Des étapes qui risquent de prendre du temps, alors que l’année scolaire s’égrène peu à peu.

Selon une source au sein de son cabinet, la ministre Kandia Camara fera des précisions dans les jours à venir sur la question des COGES. En attendant, c’est un monstre que les autorités semblent combattre.

Raphaël TANOH

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