Consommation : Abidjan déborde de boissons énergisantes

Cody’s Vody, Cody’s Energy, Kapa Energy Drink, XXL Energy, Doppel Energy Malt, 3X Energy, Double Seven Energy Drink, Treme Energy drink, etc… Qu’elles soient de fabrication locale ou importées, alcoolisées ou non, en canettes ou en bouteilles plastiques, plusieurs marques de boissons énergisantes ont envahi les surfaces commerciales en Côte d’Ivoire pour le bonheur des férus (qui se comptent essentiellement parmi les jeunes) de ces breuvages, dont la consommation excessive n’est pas, de l’avis des médecins, sans conséquences sur la santé. Mais cela ne préoccupe guère les concernés, qui sont de plus en plus nombreux à consommer ces boissons énergisantes.

Difficile de ne pas remarquer l’affiche publicitaire qui couvre depuis quelques mois la plupart des guichets du pont à péage Henri Konan Bédié d’Abidjan. Sur celle-ci, on reconnaît le footballeur ivoirien néo-retraité Geoffroy Serey Die, léger sourire, tenant en main une bouteille transparente contenant un liquide couleur or. La Société moderne de limonaderie de Côte d'Ivoire (SML-CI) a choisi l’ancien capitaine de la sélection nationale comme égérie de sa nouvelle marque Kapa Energy Drink. Dans un spot publicitaire à la télévision nationale, c’est un autre athlète ivoirien, le champion des sports de combat muay thaï et K1, Oly La Machine (de son vrai nom Oly Yves Roland), muscles saillants, qui vante les vertus d’une autre boisson dite énergisante et invite à en consommer pour sûrement devenir « un champion » comme lui. Les réseaux sociaux ne sont pas en reste. Sur Facebook notamment, il n’est pas rare de lire des pages dédiées à la promotion de boissons énergisantes dont les accroches publicitaires ont en commun de promettre un regain d’énergie aux candidats à la consommation.

Nuances Les boissons énergétiques sont composées d’eau, de vitamines et de minéraux. Elles sont préconisées chez les sportifs faisant des efforts de longue durée (course à pied de plus d’une heure, marathon, match de foot…). Elles sont à consommer pendant l’effort pour optimiser les performances. Avant l’effort, il est préférable de boire de l’eau et après l’effort de l’eau minéralisée. Les boissons énergisantes ne sont donc pas adaptées à l’effort sportif ! Elles sont trop riches en sucre, trop pauvres en minéraux et ne constituent pas une bonne source d’hydratation. Elles ne permettent pas non plus une amélioration des performances physiques et/ou mentales. Aujourd’hui, à Abidjan, c’est devenu presque la foire de ce type de boissons. De nombreuses commerçantes les proposent aux abords de plusieurs voies dans la capitale économique. Généralement dans des glacières sur lesquelles sont posées des canettes vides, en signe indicateur de vente au détail. Dans les rayons des supérettes, des boutiques, sur les étals des caves, dans les bars, elles occupent une place de choix, donnant ainsi un second souffle au marché des limonades, déjà bien fourni, de Côte d’Ivoire, où les deux principales brasseries (Solibra, Brassivoire) sont de la partie. Sur ce segment, elles se livrent également un duel. Jusqu’alors maître incontesté du secteur, la Société de limonaderie et de brasserie d’Afrique (Solibra), filiale du groupe Castel, a lancé XXL Energy et Doppel Energy Malt. Dernier venu sur le marché local, Brassivoire – coentreprise du néerlandais Heineken (51%) et du franco-japonais CFAO (49%) – a proposé de son côté Rhino Energy Malt.

Les commerçants se frottent les mains Pour les vendeurs, cette ruée sur les boissons énergisantes est une aubaine qui leur permet de réaliser de bonnes affaires. « Tout ce que je peux vous dire, c’est que ça marche », témoigne Stéphanie K., gérante d’un point de vente en gros à Port-Bouët.  « Je peux vous le confirmer, ça sort beaucoup », insiste-t-elle, en se refusant toutefois à livrer ses chiffres de ventes.  Un succès commercial qui indique que ces boissons viennent satisfaire une demande et sont appréciées des consommateurs. « C’est bon. Quand je me sens beaucoup fatigué j’en bois une. Ça me fortifie. Ça atténue la gueule de bois aussi », explique Crépin K., qui leur trouve également des vertus aphrodisiaques. Chez la gente féminine, la consommation semble beaucoup plus modérée. « Il m’arrive simplement de temps à autre de boire un Cody’s Energy bien glacé quand je sens une grosse fatigue physique », témoigne Cynthia M., étudiante, qui indique avoir, elle aussi, fait le constat de la prolifération de ces marques de boissons dans les boutiques. Les promoteurs ont beau vanter leurs vertus énergisantes, cela est encore loin de convaincre Claudia A., esthéticienne, qui « préfère » son bon vieux café matinal pour se requinquer.

Dangers à l’horizon La composition des boissons énergisantes varie d’un fabriquant à un autre. Mais on y trouve généralement pour une canette de 250 ml de la caféine (environ 80 mg), de la taurine (de 420 mg à 1 g), du ginseng (environ 80 mg), du glucuronolactone (environ 600 mg), du sucre (environ 30 g), des vitamines B et de l’acide nicotinique (environ 20 mg). De toutes les boissons énergisantes qui pullulent désormais sur les marchés abidjanais, une tient visiblement et indiscutablement le haut du pavé : Cody’s Vody Vodka Energy Mix, plus connue sous le diminutif de Vody et produite par l’entreprise allemande « Cody’s drink international ». Reconnaissable par la couleur noire de sa canette de 250 ml, Vody contient 18% d’alcool et est essentiellement, selon sa composition, un mélange de substances stimulantes et de vodka. Elle coûte 700 francs CFA l’unité.

Prisée surtout par les jeunes (une étude révèle que les plus gros consommateurs de boissons énergisantes sont les 18-25 ans et que 2/3 sont des hommes) et les apprentis des minibus communément appelés gbaka, cette boisson est consommée par certains, selon plusieurs témoignages concordants, avec des comprimés de tramadol, un antalgique qui maintient le sujet en éveil et dans un état permanent de résistance physique. Sauf que le mélange de Vody et de tramadol devient une drogue. Derrière l’apparente volonté de certains jeunes de se remettre d’aplomb se cachent en réalité de véritables séances de consommation déguisée de drogue.  Contrairement à de nombreux jeunes, Arsène T., 30 ans, n’en garde pas un bon souvenir. Un peu éméché de retour d’une virée nocturne, il se rappelle avoir eu l’idée de vouloir reprendre des forces en buvant une canette. Mal lui en a pris. « J’ai eu toutes les peines du monde à retrouver mon chemin alors que j’étais à deux pas de ma maison », raconte-t-il.

Son ami Jean Claude Niagne, lui, a failli y laisser la vie. Il a sombré dans un coma éthylique lié à une overdose après avoir ingurgité le contenu de trois canettes : « il est resté couché inerte pendant deux jours avant de reprendre ses esprits », témoigne Arsène, qui a depuis pris ses distances avec les boissons énergisantes en général. En janvier 2020, un communiqué faussement attribué au ministère ivoirien du Commerce et annonçant l’interdiction de la commercialisation et de la consommation de Vody avait fait le tour des réseaux sociaux. Jusqu’en 2008, les boissons énergisantes à base de taurine étaient interdites à la vente en France, où l’interdiction d’en consommer dans les établissements scolaires demeure.  Dès leur commercialisation, l’Institut national de veille sanitaire (INVS), aujourd’hui appelé Santé publique France, avait mis en garde les consommateurs quant à la probable nocivité de leur contenu. Autre grief régulièrement évoqué à l’encontre de ces breuvages, l’insomnie qu’ils provoquent. Selon des études scientifiques, boire une canette de boisson énergisante équivaut à boire 5 tasses de café. En raison de leur composition, les boissons énergisantes sont pointées du doigt pour leurs effets néfastes sur l’organisme. Elles sont le plus souvent responsables de signes d’anxiété, de tachycardie, d’épilepsie, d’insuffisance rénale aiguë, voire d’infarctus du myocarde ! L’association « alcool + boissons énergisantes » est responsable, quant à elle, d’une augmentation des comportements à risque. 

Serge Alain KOFFI

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