Les manifestations pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs tournent souvent à l’obsession. Dans l’âpre arène sociale, il arrive parfois qu’on prenne une simple revendication pour une menace à la sécurité nationale.
La manière de faire du syndicalisme en Côte d’Ivoire a toujours été pointée du doigt. Casses, menaces, agressions ont maintes fois été relevés pendant certains mouvements. Une situation qui avait amené le Professeur N’Guessan Kouamé, Secrétaire du Comité de suivi de la réunification de la Coordination des enseignants et chercheurs de Côte d’Ivoire (CNEC), à inclure la formation des enseignants dans ses programmes. « Non seulement nous mettons l’accent sur la formation, mais ce que nous faisons aujourd’hui c’est d’améliorer l’image de la CNEC, aussi bien sur le plan national qu’à l’international. Tout cela va nous permettre d’orienter la CNEC au niveau de la formation. Et de mieux revendiquer », explique-t-il. Ailleurs, dit-il, on manifeste de manière pacifique. Et le professeur N’Guessan d’ajouter : « je dirais même que dans la sous-région les gens sont en avance sur nous sur ce plan (…). Ici, les syndicats sont plutôt considérés comme des partis d’opposition. Parce qu’on regarde toujours qui est à la tête du syndicat avant de le recevoir. Au lieu de se concentrer sur les revendications, on cherche à déterminer les origines de celui qui dirige la structure. Ensuite, on politise la chose. En se mettant dans cette disposition, naturellement on en vient à refuser la discussion. On attend qu’il ait grève pour engager les négociations. Ce sont des choses qui doivent cesser ».
Manipulations ? Pendant de nombreuses années, notamment avant la signature de la trêve sociale de 2017, de nombreux mouvements syndicaux qui mettaient à mal les autorités en place étaient étiquetés de la sorte. La Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), notamment, est toujours taxée d’être un instrument entre les mains des politiciens. Même si son nouveau leader, Allah Saint-Clair l’affirme tout haut : « les actions de la FESCI ne sont dirigées contre aucun parti politique ni aucun individu. Manipuler la FESCI aujourd’hui est quasi impossible. Personne ne peut me manipuler en Côte d’Ivoire ». La formation syndicale que la CNEC évoque n’a pas toujours été la priorité des organisations de travailleurs en Côte d’Ivoire. On n’est pas de ce fait étonné de voir des grèves se transformer en westerns ou en convocations à la Direction de surveillance du territoire (DST). Rien n’est plus normal pour Abba Eban, membre du Directoire de l’Intersyndicale de l’enseignement préscolaire et primaire de Côte d’Ivoire (ISEPPCI), qu’on prenne parfois un syndicaliste pour un opposant politique.
Raphaël TANOH