Parlant de la flambée des prix des denrées alimentaires, notamment l’attiéké, les autorités avaient reconnu qu’elle résultait en partie du remplacement des plantations de manioc par celles d’hévéa. Avec les mesures de soutien à cette filière, faut-il craindre pour la sécurité alimentaire ?
Les citadins et ruraux de plus en plus intéressés par l’hévéa, malgré l’instabilité des cours sur le marché international, vont se frotter les mains. Le Conseil des ministres du 27 juillet a décidé de la mise en place d’un organe de régulation, en vue d’une répartition plus équilibrée du revenu généré par la chaîne de valeurs de la filière, comme pour le café et le cacao, où la fixation d’un prix garanti bord champ met les producteurs à l’abri des fluctuations du marché international. Cette décision pourrait amplifier l’engouement pour la culture d’hévéa, au détriment des cultures vivrières.
Situation maîtrisée
Les statistiques nationales montrent que le nombre de producteurs villageois d’hévéa a atteint 50 000 en 2016, contre 22 000 10 ans plus tôt. En témoigne le recul des terres culti- vées pour le maïs, les tubercules, le plantain etc., face à l’avancée de l’hévéa, qui occupe aujourd’hui 220 000 hectares. Le président Ouattara l’a reconnu devant les travailleurs, le 1er mai dernier. Parlant de la petite boule d’attiéké vendue à 200 francs CFA, il a indiqué qu’outre la sécheresse, ces prix sont liés au fait que «…beaucoup de plantations, notamment de manioc, ont été remplacées par de l’hévéa ». La situation peut inquiéter, mais elle est loin d’être désespérée. Les recherches du Centre national de recherche agronomique (CNRA) montrent qu’il est possible d’associer le vivrier à l’hévéa en milieu paysan. Certains producteurs d’hévéa l’ont d’ailleurs expérimenté avec succès. Mathias N’Guessan, de la sous-préfecture de Tiémélékro (N’zi-Comoé) affirme qu’« en plus du maïs, j’ai environ 450 pieds de bananier plantain sur mon exploitation d’hévéa. À raison de 1 000 francs CFA le régime, j’arrive à assurer le quotidien de ma petite famille, en attendant la vente de ma récolte de caoutchouc». Pour cet adepte du binôme hévéa-vivrier, la pénurie du vivrier sur les marchés est due au mauvais état des pistes rurales, qui ne favorise pas l’acheminent des récoltes sur les marchés. Le gouvernement ivoirien a pris la juste mesure de la menace. Au ministère de l’Agriculture, on assure que la diversification du vivrier et le renforcement de la productivité sont une garantie à moyen terme, et un leitmotiv pour atteindre la souveraineté alimentaire dès 2020.