Coronavirus : Prêts pour la vague ?

Chaque jour, le nombre de personnes infectées au Covid-19 augmente sur le sol ivoirien. En moins d’un mois, l’on est passé de 1 à plus de 350 cas confirmés positifs. Entre les mesures de sécurité pour éviter la propagation du virus et le plan d’accompagnement du gouvernement, on se prépare à entrer dans une phase décisive, au cours de laquelle le potentiel sanitaire ivoirien risque d’être mis à rude épreuve. Les prévisions alarmistes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la propagation rapide de cette pandémie ne sont pas tombées dans des oreilles de sourds. Comme bien d’autres pays africains, la Côte d’Ivoire se prépare à la vague annoncée, tout en espérant pouvoir limiter ses dégâts.

Les chiffres ne sont pas bons. À l’analyse de la courbe du nombre de cas infectés (déclarés) au Covid-19 en Côte d’Ivoire, on peut à juste titre déduire que beaucoup d’Ivoiriens sont atteints. La plupart ne le savent peut-être pas et pourraient en contaminer d’autres et une frange de malades superstitieux, enclins à la nosocomophobie, préfère s’en remettre à l’automédication. Ils ne mettront les pieds dans un hôpital que sur une civière. Seules les personnes qui acceptent de se soumettre aux tests de dépistage sont coopératives.

La Côte d’Ivoire, qui comptait moins de cas infectés que le Sénégal et le Ghana, vient de les dépasser en termes de cas déclarés. Seuls le Burkina Faso et le Cameroun comptent plus de malades officiels. Bien sûr, cela ne signifie pas forcément que le pays compte plus de malades que ses voisins. Selon le ministre de la Santé et de l’hygiène publique, la multiplication des cas est due à la capacité du pays à tester plus de personnes. En plus de l’Institut Pasteur d’Abidjan, environ quatre autres laboratoires ont été sollicités. Il faut donc s’attendre dans les jours à venir à ce que les chiffres fassent plus froid dans le dos. Mais, pour les autorités sanitaires, plus il y aura de cas dépistés et déclarés, mieux le reste de la population sera protégé. Avec la barre de 300 contaminés franchie, plus 40 guérisons et 3 décès à la date du lundi 6 avril, le ministère de la Santé et de l’hygiène publique n’a dépeint jusque-là que des malades atteints de formes légères du Covid-19. Des cas qui ont droit à une prise en charge digne de ce nom. 300 lits supplémentaires viennent d’être déployés pour augmenter la capacité d’accueil. Le Directeur général de la Santé et de l’hygiène publique, Pr Mamadou Samba, affirme que plusieurs sites ont été retenus. « Il faut reconnaître que les mesures prises par le gouvernement pour faire face au coronavirus sont satisfaisantes», se félicite par ailleurs Ben NFaly Soumahoro, Président de l'Association ivoirienne des consommateurs Le réveil (Ficr). Sensibilisation au respect des gestes barrières (port de cache-nez, distance d’un mètre entre individus, lavage des main, rester chez soi, etc.), couvre-feu, mesures de fermetures des espaces publics, aide au secteur privé et à la population, etc. : pour lui, la Côte d’Ivoire agit.

Échantillons et tests La situation est-elle pour autant sous contrôle? À en croire les derniers chiffres, la quantité de personnes infectées déclarée est proportionnelle au nombre d’échantillons testés. Le 4 avril, selon Pr Mamadou Samba, 27 nouveaux cas ont été détectés sur 140 échantillons prélevés. Le 2 avril, seulement 81 échantillons avaient été analysés et seules 4 personnes déclarées malades. Le 1er avril, 166 échantillons ont été testés, pour 11 cas. Sur environ 2 000 tests, la Côte d’Ivoire enregistrait 323 malades à la date du lundi 6 avril. Certes elle a augmenté sa capacité de test, mais les quantités testées sont encore très faibles comparées à la population potentiellement porteuse du virus. En réalité, les Ivoiriens sont victimes, comme quasiment tous les pays africains et sur le plan mondial, du fossé existant entre les besoins et le matériel sanitaire disponible pour combattre cette pandémie. C’est le sombre tableau dressé récemment par Michel Yao, le responsable des opérations d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).  

La conséquence, d’après plusieurs sources médicales en Côte d’Ivoire, est de se retrouver débordé lorsque les cas sévères de Covid-19 vont apparaître, ceux qui nécessiteront des respirateurs. Ces respirateurs, explique le personnel soignant, sont en nombre insuffisant. Une cinquantaine en tout, même si le ministère de la Santé ne confirme pas ces chiffres. Pour le Dr Guillaume Akpess, Secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé de Côte d’Ivoire (Synacass-CI), l’urgence à ce niveau ne s’est pas encore signalée. « Il n’y a quasiment pas de patient sous respirateur. Les formes que nous recevons sont des formes légères, des formes asymptomatiques. C’est pour cela que nous n’avons pas recensé le problème des respirateurs comme une urgence pour le moment ».   

Difficultés nombreuses Au cours de leurs dernières interventions, les acteurs de  la santé ont demandé à être protégés face au virus. L’accent a été notamment mis sur les masques de protection, les gants, les gels hydro-alcooliques, etc. Mais pas de respirateurs à l’ordre du jour. D’après Boko Kouao, porte-parole de la Coordination des syndicats du secteur santé de Côte d’Ivoire (COORDISANTE), le gouvernement a passé des commandes de masques et de gants. « La distribution a commencé. Le seul hic, c’est que les hôpitaux ne sont pas servis», regrette le médecin. Rassuré par la promesse de revaloriser l’indemnité de risques sanitaires, le personnel soignant n’entend cependant rien concéder pour ce qui est de sa propre sécurité face au Covid-19.

Si le profil des malades en reste à son état actuel (formes plus ou moins bénignes), les sites d’accueil feront l’affaire. Mais plus personne ne veut se bercer d’illusion. Lors de la déclaration du ministre de la Santé, dimanche dernier, le terme « détresse respiratoire » est revenu. Les deux derniers décès dus au Covid-19 annoncés ce soir-là ont été causés par une détresse respiratoire.  

En supposant, même dans une infime proportion, que la vague de contaminés gravement atteints, qui a mis à genoux plusieurs super puissances, arrive en Côte d’Ivoire, les respirateurs ne suffiront pas. À ce sujet, Michel Yao tire la sonnette d’alarme. Précisant que l’Afrique ne fabrique pas de respirateurs, l’expert tente de rassurer : « nous sommes en relation avec les pays et les entreprises qui en produisent, mais il faut que la répartition mondiale se fasse de façon solidaire. Ce qui est très difficile quand certains pays comptent actuellement plus de 3 000 patients en soins intensifs ». Alors, quand le moment viendra, vers qui les Ivoiriens se tourneront-ils pour passer leurs commandes ? La très sollicitée Chine ? La traditionnelle partenaire, la France, qui est elle-même embourbée dans la crise ? Pour l’OMS, il est clair que le nombre d’infectés augmentera très vite en Afrique. Et le difficile respect des mesures de confinement, dû à notamment à la précarité des populations, fait craindre une bombe à retardement. La Côte d’Ivoire ne sera pas épargnée. Mais certains experts réfutent cette prévision assez pessimiste. « On n’a pas encore compris le mode de propagation de ce virus dans sa totalité. Pourquoi certains pays sont-ils plus touchés que d’autres ? Pourquoi enregistre-t-on plus de décès ici et pas là ? Le premier cas du Covid-19 en Afrique a été déclaré en Égypte en février dernier. Aujourd’hui, ce pays compte 1 259 cas officiels et 85 décès. Dans le même laps de temps, le virus a carrément mis d’autres pays à genoux », explique un proche collaborateur du directeur général de l’Institut national de l’hygiène publique (INHP). Pour lui, il ne faut pas forcement s’attendre à une catastrophe. Le virus infectera sûrement de nombreuses personnes, mais rien ne dit que les autorités ivoiriennes ne parviendront pas à y faire face. Aux affirmations de certains observateurs qui pensent que l’Afrique compte plus de cas mais qu’ils ne sont simplement pas encore déclarés, Matshidiso Moeti, Directrice régionale de l’OMS Afrique, répond que 100% des cas ne sont pas identifiés, certes, mais  « je ne crois pas que nous en rations beaucoup».

Raphaël TANOH

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