A peine le gouvernement ivoirien a-t-il commencé à se réjouir des performances de la filière noix de cajou, qu’il doit faire face à la fuite de la production nationale vers le voisin ghanéen.
Première productrice de noix de cajou depuis bientôt trois ans, avec 700 000 tonnes, la Côte d’Ivoire, comme pour le cacao, attire les acheteurs ghanéens. La campagne n’est certes pas encore ouverte (elle devrait être lancée fin février), mais le Ghana, qui ne produit que 70 000 tonnes, devrait tirer profit du trafic illicite de la noix de cajou.
Taxes et frontières poreuses Les réformes entreprises par le gouvernement en 2013 ont porté fruits, permettant à la Côte d’Ivoire de récolter 41% de la production mondiale, devançant l’Inde. La revalorisation du prix bords champs du kilogramme, passé de 200francs CFA à 700 et parfois 800 francs depuis 2014 - 2015, stagne depuis. Une aubaine pour des acheteurs ghanéens, qui mènent une rude concurrence aux négociants ivoiriens, proposant jusqu’à 1 000 francs CFA le kg aux paysans. Situation favorisée par une dizaine de droits de taxes à l’exportation à Abidjan, alors qu’Accra n’en applique pas. La région du Gontougo (Est, frontière ivoiro - ghanéenne), la plus grande de Côte d’Ivoire, partage près de 260 kilomètres de frontière poreuse avec le Ghana, ce qui favorise l’installation de gros acheteurs de noix de cajou, avec comme base la ville de frontalière de Sampah, au Ghana, située à 10 km de Bondoukou. Une stratégie qui met sous pression le secteur ivoirien de l’anacarde, qui compte un peu plus de 250 000 producteurs, regroupés dans une vingtaine de coopératives, qui se partagent, selon les chiffres officiels, environ 300 milliards de francs CFA chaque année, chiffre évoluant tous les ans. En 2017, l’on avait enregistré « un fiasco » des acheteurs ivoiriens tout le long de cette frontière. Résultat : selon certains acheteurs, au moins 50 000 tonnes de la production de la zone avaient filé vers Accra. « Cette année, ils vont au-delà de la zone frontalière, en s’installant vers le centre et le nord du pays, cœur de la production nationale », alerte un acheteur, qui estime que la bataille pour les matières premières (anacarde et cacao) entre les deux pays pourrait engendrer des violences.
Fatoumata Doumbia