Alors que le nouveau Premier ministre, Patrick Achi, est en train de composer son gouvernement, certaines voix s’élèvent pour appeler à l’ouverture, au nom de la réconciliation nationale.
Véritable leitmotiv, la « réconciliation nationale » semble être pour certains affaire de circonstances. En effet, quelques mois après avoir fomenté un coup d’Etat et menacé implicitement de réitérer lors des élections législatives, l’opposition voudrait obtenir des strapontins ministériels. Céder à ces exigences constituerait une double erreur politique, en envoyant un mauvais signal à l’opposition qui pourrait y voir la caution de ses actions passées, et en risquant de fragiliser et de déstabiliser la majorité présidentielle.
Pas de réconciliation unilatérale
En sillonnant les régions du pays durant l’été 2020 afin d’apaiser les tensions communautaires, Hamed Bakayoko a œuvré pour la réconciliation, tout comme il l’a fait quelques mois plus tard en allant à la rencontre de l’opposition afin d’organiser les élections législatives de mars 2021. Mais qu’a fait l’opposition ? Pas grand-chose, si ce n’est finir par prouver qu’elle ne pouvait jouer son rôle démocratique sans appeler à la rébellion lors de chaque scrutin. Et encore, de mauvaise grâce : on se souviendra des avertissements d’Henri Konan Bédié sur de prétendues irrégularités lors du scrutin de mars 2021. Ou bien de la revendication précoce, et fausse, de la victoire par l’opposition dans la foulée de ce scrutin.
Il s’agit donc bien de redonner du sens à la réconciliation nationale pour qu’elle ne soit pas, précisément, unilatérale. Quand l’opposition aura donné des gages de sa volonté de jouer son rôle dans une démarche constructive et paisible, des ouvertures pourraient être envisagées. Même si cela n’est pas un dû, ni moral ni légal.
Relativisme démocratique ?
La démocratie ne peut fonctionner que si la « minorité » accepte sa défaite et conçoit qu’elle a suffisamment en commun avec la majorité pour accepter sa prise de pouvoir temporaire. Dans cette voie, il est donc juste que la majorité puisse déployer le programme pour lequel elle a été élu par les individus qui la compose. Quel sens y aurait-il à organiser des élections, sinon ?
La question des individus est par ailleurs importante, parce que des hommes ou des femmes qui ont travaillé à une élection, ou qui sont impliqués de longue date dans un appareil partisan, sont légitimement en attente de recevoir des responsabilités conformes à leurs capacités et à leur combat politiques. Faudrait-il, après un match de football, que certains joueurs de l’équipe perdante reçoivent une médaille en gage d’ouverture ? Si l’exemple est caricatural, il est assez parlant.
L’examen de la situation dans les démocraties occidentales fait apparaître que la pratique de l’ouverture est loin d’être une évidence. Comme en France, où cette pratique est très rare. Depuis 2017, le Président Emmanuel Macron n’a jamais constitué, de facto, de gouvernement d’ouverture – même s’il a débauché dans tous les partis. Tout comme le Président François Hollande (2012-2017), avant lui. Dans l’histoire politique française récente, le seul gouvernement d’ouverture a été celui de Nicolas Sarkozy (2007-2012) : une décision très mal perçue par son électorat, qui l’a vécu comme une trahison de ses promesses de campagne. S’il est concevable d’aller chercher les meilleures compétences dans l’opposition, c’est à faire avec prudence pour ne pas risquer de troubles dans son propre camp et pour ne pas déboussoler son électorat. Si, dans l’absolu, la pratique peut avoir, ponctuellement, des avantages, les conditions ne sont pas encore réunies en Côte d’Ivoire pour que cela se fasse, comme le démontrent les évènements récents.
By Financial Afrik