certains observateurs font remarquer que les conséquences de la robotisation concernent moins les travailleurs africains installés sur le continent que les migrants africains en Europe et ailleurs dans le monde. En effet, pour beaucoup, la faible industrialisation des pays africains et l’abondance de main d’œuvre pas chère apparaissent comme des facteurs qui réduisent considérablement la nécessité d’avoir recours à la robotisation. Mais cette idée nous semble absurde. On le voit tout de suite lorsqu’on l’applique aux tracteurs par exemple.
Ce n’est pas parce qu’il y a une main d‘œuvre abondante et jeune qu’il ne faut pas utiliser des tracteurs ou utiliser des techniques modernes pour la production agricole. Bien au contraire ! De même, ce n’est pas parce qu’il y a une main d’œuvre abondante et jeune qu’il ne faut pas robotiser l’industrie ou la production manufacturière. Dire cela, ce n’est qu’une manière de « singulariser » et même de marginaliser l’Afrique en l’excluant de ce que certains philosophes appelaient « la marche générale de l’esprit humain ». C’est une manière de dire que « ces choses-là », trop sophistiquées, ne sont pas pour nous, juste parce que nous sommes africains.
L’Afrique devrait donc se lancer dans la course à la robotisation et à l’utilisation de l’intelligence artificielle car elles participeraient considérablement à l’accroissement de la productivité et libèreraient la main d’œuvre pour des tâches hautement qualifiées et de nombreuses autres tâches auxquelles nous ne pensons même pas aujourd’hui. En boostant la croissance économique générale, elles participeraient aussi à l’amélioration des conditions de vie de toutes les populations.
Toutefois, la robotisation présente aussi des menaces en ce qu’elle pourrait retarder l’industrialisation de l’Afrique car elle réduit la nécessité de délocaliser les industries vers les pays pauvres (en raison, précisément, de la main d’œuvre peu chère), processus qui on le sait, a contribué à l’industrialisation de l’Asie, mais constitue une opportunité qui pourrait être ratée par l’Afrique en raison des évolutions technologiques actuelles.
Pour ce qui est de l’intelligence artificielle par exemple, il faut penser au fait qu’une technologie comme ChatGPT pourrait rendre obsolètes les call centers, ces services centralisés qui gèrent les appels entrants et sortants des millions de clients des grandes compagnies internationales qui ont souvent eu recours à l’outsourcing, c’est-à-dire à la délocalisation de leurs services clientèle dans des pays en développement où ils emploient des milliers de travailleurs qui pourraient donc se retrouver en chômage du jour au lendemain.
Enfin, n’oublions pas les débats relatifs à l’introduction des organismes génétiquement modifiés (OGM) sur le sol africain : une solution miracle aux problèmes alimentaires pour les uns, un danger pour la santé des populations pour les autres ou encore une menace à l’intégrité « naturelle » des plantes ou même des humains et un moyen de déposséder les Africains de leur patrimoine naturel par le biais du « brevetage » des ressources naturelles.
Gado Alzouma