Bernard Moingeon est professeur et ancien directeur général adjoint de HEC Paris. Cet article évoque les enjeux actuels et à venir de la fonction ressources humaines dans les entreprises ivoiriennes.
Il prend appui sur une récente enquête que j’ai réalisée auprès de responsables des ressources humaines en Côte d’Ivoire ainsi que sur les échanges stimulants qui ont eu lieu durant un atelier de trois demi-journées organisé par HEC Paris à Abidjan les 22 et 23 novembre. J’ai ainsi eu, en tant qu’animateur, l’opportunité d’assister à des discussions et des partages de bonnes pratiques tout à fait passionnants. La trentaine de DRH et managers des ressources humaines invités par HEC Paris (qui propose par ailleurs des formations continues certifiantes et diplômantes pour dirigeants à Abidjan) ont commenté les résultats de l’enquête et partagé leur vision des enjeux actuel et futur de leur fonction. Les échanges ont également été enrichis, en plus d’apports théoriques, par les témoignages de trois directeurs généraux, tous diplômés de HEC Paris : Messieurs Daouda Coulibaly (Société Ivoirienne de Banque), Bouyaguy Diawara (Bureau Veritas) et Hervé Koffi (General Electric). Pour ces derniers, la réponse est unanime. Le DRH doit parler vrai, jouer un rôle de conseil auprès du directeur général, avoir une capacité d’écoute, et se comporter en véritable partenaire du business. Monsieur Coulibaly les exhorte même à assumer pleinement leur rôle : «Ne vous laissez pas voler votre profession. Par exemple, n’acceptez pas les recrutements dans l’urgence quand une procédure formelle et professionnelle est en place. On ne recrute pas pour un poste à la demande d’un manager mais pour l’entreprise dans son ensemble ! ».
Si la grande majorité des DRH interrogés s’accordent à dire que « la fonction ressources humaines est bien reconnue » en Côte d’Ivoire (77%), ils regrettent que les DRH soient encore trop souvent considérés comme des techniciens, responsables du personnel (88%). Mais ils ne sont que 50% à estimer que les DRH ont une bonne compréhension des enjeux business. Ceci vient en écho avec la volon- té affichée durant les échanges de devenir « business partner » des directions et acquérir une dimension plus stratégique.
Lors du séminaire du 22-23 novembre à Abidjan.
Si la mise en place de processus RH plus performants, notamment dans les années à venir avec la digitalisation de la fonction, est une priorité, l’accent est mis sur les enjeux liés à la professionnalisation et à la contribution à la performance globale de l’entreprise. Cela passe par une capacité à attirer les profils recherchés afin d’avoir notamment un vivier de potentiels, et mettre en place une véritable politique de fidélisation avec gestion de carrière, plans de formation, etc.
A l’avenir, tout DRH devra remplir plusieurs rôles : expert métier (en tant que conseiller RH de la direction générale mais aussi des différentes entités), coach (reconnu pour sa capa- cité d’écoute et l’appui fourni tant aux salariés qu’aux managers et dirigeants), business partner (connaissant très bien les différents métiers et marchés de l’entreprise), mais aussi leader (porteur du changement et contribuant au renforcement des compétences de leadership).
Ceci est tout à fait en cohérence avec les résultats d’une enquête mondiale réalisée par PricewaterhouseCoopers en 2016 pour le compte de la World Federation of Personnel Management Associations. Les trois enjeux prioritaires à un horizon de trois ans étant : l’efficacité de l’organisation, la gestion du changement et le développement des compétences de leadership.
Il est également intéressant de constater que les résultats de l’enquête HEC Paris en Côte d’Ivoire présentent de grandes similitudes avec ceux obtenus dans une récente enquête menée également par HEC Paris à l’Ile Maurice auprès de DRH dont les entreprises interviennent dans l’Océan indien et en Afrique de l’est. Ceci n’est pas étonnant, ces deux pays étant fréquemment cités comme des moteurs de développement économique dans leurs zones respectives.
Dans tous les cas, la fonction ressources humaines devrait à l’avenir jouer un rôle encore plus stratégique dans les entre- prises ivoiriennes. De quoi sus- citer des vocations !