Le Président du Conseil national des organisations de consommateurs de Côte d’Ivoire revient sur la sortie des pays de l’hinterland de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
La lutte contre la vie chère est-elle une réussite en Côte d’Ivoire?
La situation nationale est reluisante. Beaucoup de chemin a été parcouru. Des années 90 à ce jour, le mouvement des consommateurs a retrouvé la majorité de ses prérogatives et est de plus en plus associé à la sphère de décisions. Depuis les années 2000, le mouvement est mieux perçu par les décideurs et les opérateurs économiques.
Arrivez-vous à faire fléchir les décisions de l’Etat ?
Quand vous prenez le prix du carburant, tel qu’il est pratiqué dans la sous-région, vous constatez qu’en Côte d’Ivoire, les consommateurs payent moins cher. Nous aurions dû être à plus de 900 FCFA pour le litre de super sans plomb et entre 700 et 800 FCFA pour le gasoil. Mais nos actions nous ont permis de canaliser ces prix.
Diriez-vous que Côte d’Ivoire est mieux lotie, en termes de lutte contre la cherté de la vie ?
Cela doit être pris de façon relative. Dans des pays comme le Niger, il y a des structures mises en place par l’Etat pour vendre les produits de grande consommation et faire en sorte que les prix soient respectés. En Côte d’Ivoire, c’est le libre marché. Mais cette liberté est un tombeau pour le consommateur, parce qu’il fait face à la course effrénée du gain facile de la part des commerçants.
N’est-ce pas aux consommateurs d’aller vers les produits les moins chers ?
C’est une fuite en avant que de dire cela. Nous avons une population à majorité analphabète. On ne peut pas demander aux gens de faire le tour du marché avant de commencer à acheter. C’est impossible. L’Etat doit veiller à ce que les règles de commerce soient respectées. Un fabriquant ne doit pas dépasser une marge bénéficiaire de 3% lorsqu’il fixe le prix de son produit au grossiste. Le grossiste ne doit pas dépasser 6% lorsqu’il donne au détaillant, et ce dernier ne doit pas dépasser 12% lorsqu’il vend au consommateur. Mais au aujourd’hui les gens payent un produit à 100 FCFA et le vendent à 300%. C’est inadmissible.
Est-ce dû au fait que les Ivoiriens font beaucoup de spéculation ?
C’est parce que l’Etat a laissé faire. C’est au ministère du Commerce et de l’industrie de réguler le marché de la spéculation. Beaucoup a été fait, mais la vigilance doit rester d’actualité. Depuis un certain moment, il n’y a plus de contrôle d’instruments de mesure en Côte d’Ivoire. Comment voulez-vous que le consommateur paye le juste prix du litre d’huile, si l’instrument qui sert à le mesurer est défaillant ? Pareil pour le kilo de riz.
L’Etat a-t-il les moyens de contrôler tous les instruments de mesure ?
S’il n’a pas les moyens de s’assurer que les prix pratiqués sont en règle, alors on assiste à un disfonctionnement. On ne peut pas laisser des gens faire 300% de bénéficie sur des produits. Dans la chaine, les détaillants sont lus plus coupables.
Est-ce que l’interdiction d’importation des produits vivriers permettra de protéger le marché ivoirien ?
C’est une mesure salutaire pour maitriser le prix du vivrier sur le marché. Le prix de l’électricité ne pose aucun problème, pareil pour le carburant. Les prix pratiqués sont harmonieux, mais au niveau du vivrier, nous avons des problèmes. Le prix du kilogramme de bœuf n’y échappe pas. Pourquoi ne pas tourner le dos un jour à l’importation tout azimut du bétail ? On ne peut pas confier le ventre d’une population à des étrangers. Aujourd’hui, on a la sortie des pays de l’hinterland de la Cedeao. Le Mali, le Burkina, le Niger. Ce qui veut dire que si c’est acté, le kilogramme de viande bœuf et de mouton va augmenter.
Inévitablement ?
Oui, si on ne les empêche pas de quitter la zone. De 3000 FCFA, le kilogramme de viande de bœuf risque de passer à 4000, voire 6000 FCFA.
Pourquoi ?
Ces pays sont ceux qui fournissent le bétail à la Côte d’Ivoire. Ils seront soumis au payement d’une carte de séjour. Ils n’auront plus de libre circulation de leurs biens et personnes sur le sol ivoirien. Tout ce qui va entrer fera l’objet de taxes douanières.
Interview réalisée par Georges Dagou