C’est un euphémisme que de dire que le système éducatif ivoirien va mal. Si mal que des enseignants filment désormais les difficultés de certains élèves, qu’ils n’hésitent pas à rendre publiques sur les réseaux sociaux.
Humour, recherche de buzz ou provocation pour faire prendre conscience ? Difficile de dire ce qui motive certains enseignants depuis le début de l’année 2018. Après les copies de devoirs qui se retrouvent sur les réseaux sociaux, place désormais aux films qui présentent des élèves en pleines difficultés d’apprentissage. Il s’agit parfois d'élèves apeurés qui produisent des réponses absurdes ou d’autres obligés de chanter une mélopée dans un langage incompréhensif. Difficile d’identifier les enseignants qui prennent plaisir à s’adonner à ce jeu, car, très avertis, ils prennent soin de ne pas apparaitre dans les éléments filmés. Des vidéos qui ne manquent pas de susciter la colère des parents d’élèves mais aussi d’interpeller sur le niveau relativement bas, dans un contexte de gratuité de l’école et de laxisme des encadreurs, qui font en sorte que les écoliers ne redoublent pas.
Humiliations Peu importe les raisons qui poussent certains enseignants, censés être des éducateurs, à agir ainsi, « ils mettent à mal tout le système éducatif et posent même un problème de bonne moralité », pense Hervé Ngoran, inspecteur d’orientation. Pour lui, c’est « un manque de maturité d’enseignants recrutés parfois avec le BEPC ». Un argument repris par certains éducateurs, qui voient là une preuve « d’immaturité et de manque de conscience » de certains de leurs pairs dans l’usage des réseaux sociaux. Ils appellent d’ailleurs, au-delà de la tutelle ministérielle, l’appareil judiciaire à regarder de près ce genre de comportement afin d’extirper de leurs rangs les brebis galeuses. « En plus d’humilier les apprenants, ces enseignants ne se rendent pas compte qu’ils posent des actes allant à l’encontre de la protection de l’image d’autrui, qui dans le cas d’espèces se trouvent être des enfants », se plaignent certains parents, qui brandissent la menace de porter plainte si le phénomène se poursuit. Pour Nestor Kla Kpan Tia, « le devoir de l’enseignant est de protéger son élève, qui est souvent une partie de lui-même. C'est un sacerdoce pour lui », plaide-t-il, avant de mettre en doute certaines de ces vidéos, qu’il juge « montées ou ne venant pas de Côte d’Ivoire.»
Malick SANGARÉ