KHALIL HESNÉ : Le mendiant devenu milliardaire

Son histoire est peut-être commune et son parcours n’est certainement pas une exception ; mais de son récit, se dégage une émotion presqu’inspirante. Avec lui, on pourrait dire : « C’est encore possible de vivre la gloire passée ». Khalil Hesné, le milliardaire devenu mendiant.

Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». Cette pensée, Khalil Hesné l’aura expérimentée. A 24 ans seulement, son compte bancaire est crédité́ de 977 millions de francs CFA, après avoir reçu de son père, à l’âge de 11 ans, une plantation de manioc de 1000m2. Nous sommes en 1976, c’est encore le miracle ivoirien et l’exploitant forestier d’Abengourou, qu’il était, est dans l’air de son temps. Il a à son actif, sept grumiers, deux bulles, trois garages et 120 employés. Mais comme bien d’autres avant lui, Khalil Hesné ne résistera pas au désir de croquer la vie à pleines dents. L’alcool et les jeux de cartes en particulier. « Tout frais, tout jeune et milliardaire, on prend facilement la grosse tête », dit-il. Les costumes griffés, les casinos, Khalil dépense sans compter. C’est la folie des grandeurs. Grand amateur des jeux, Khalil perdra d’abord 5 millions, puis 30 millions F CFA etc. C’était le début de la déchéance. Mais comme envouté́, rien ne le freinait. La raison ? Il n’était pas concerné. Le bon sens ? Repassez demain ! L’hémorragie devint alors externe. Khalil fut obligé de mettre la clef sous le paillasson. Plus de grumiers, plus d’entreprises, plus d’employés et bientôt, plus d’argent. Ce n’était que le début de la descente aux enfers pour celui qui a abandonné les études à 11 ans.
La résidence qu’il loue dans le chic quartier de Marcory- résidentiel connaît de lourds arriérés d’impayés. Hesné quitte alors ce dôme ; mais il a de l’honneur. Il vend ses meubles, ses appareils électroménagers, son lit... excepté une télévision héritée de son père et s’acquitte de ses créances. Khalil est à bout de souffle. Il n’en peut plus, mais il n’abandonne pas. Il décide de se rendre en France. Ses ex-employés se cotisent pour lui offrir le billet d’avion, ainsi qu’à sa femme et ses deux enfants. Mais ce pays ne lui apportera pas le salut espéré. Bien au contraire. Le mépris des siens et la mendicité se disputeront l’oscar de l’humiliation. 

LE MILLIARDAIRE DEVENU MENDIANT 

« Je me suis rendu en France et je me suis installé dans le quartier où habitait ma sœur aînée en espérant pouvoir compter sur elle, mais c’était une erreur », dit-il. Cette dernière ne lui apportera aucun soutien, aucune aide, pas même alimentaire. 

« Une fois mon fils pleurant m’a dit : papa s’il te plaît je veux un McDo. Je n’avais pas d’argent, pas un seul franc. Je me suis rendu dans un McDo, j’ai vu un monsieur qui venait à peine d’acheter son McDo. Je me suis arrêté devant lui et j’ai tendu la main en lui disant : s’il vous plait, donnez-moi votre McDo, mon fils en a besoin, je vous en prie. Le monsieur m’a regardé et me l’a offert. Je courus l’offrir à mon fils) qui fut toute heureux ». C’était le début de l’expérience de la mendicité. 

« Les matins je sortais de la maison et j’allais mendier. Je n’avais pas le choix. Il arrivait que mes enfants n’aient pour diner que de l’eau. Je rentrais chez moi avec plusieurs pièces de monnaie ». Cette souffrance n’était cependant pas suffisante pour ses proches. « Alors que j’étais sorti un matin pour mendier, mon beau-frère s’est rendu chez moi pour voir ma femme et lui proposer 5 millions pour elle et ses enfants afin de pouvoir faire face à leurs besoins. Mais Madame Khalil est de la race des femmes pour qui l’honneur et la dignité́ ont encore un sens. « Si tu as de l’argent, donne- le à Hesné, Il en a besoin », répondit-elle. Entre mendicité́ et aides sociales, Khalil parvient à se rendre à Abidjan pour essayer de se relancer. « De retour à Abidjan, je dormais chez ma mère à Marcory-zone 4 (quartier sud d’Abidjan) non loin de l’église Notre Dame d’Afrique. De là-bas je marchais jusqu’à Treichville (commune du sud d’Abidjan). J’avais des cousins et des amis qui habitaient là, mais jamais personne ne m’a une seule fois, proposé de me prendre en voiture », se souvient-il encore. J’essayais de faire la navette quand je le pouvais en empruntant un peu d’argent de part et d’autre pour le billet d’avion, car je devais essayer de me relancer à partir d’Abidjan tout en gardant le contact avec la famille restée en France », explique Hesné. C’était suffisant pour la calomnie. « un membre de la famille dit un jour à mon épouse: pourquoi crois-tu que Khalil est toujours à Abidjan ? C’est parce qu’il y a une copine. Tu es là à espérer que votre situation s’améliore, mais lui, il se la coule douce avec d’autres femmes », dit-elle avant d’enfoncer le clou. Mais le couple survécut à cette autre tornade... « L’avenir nous dira si cette personne dit vrai ou pas », avait-t-il répondu à sa femme. 

LE MENDIANT DEVENU MILLIARDAIRE 

Il appelle cela : « avoir du courage ». En 1994 pendant qu’il se ballade à Treichville, il voit un espace situé en face de la mairie de cette commune. Khalil se renseigne et apprend que l’espace est libre. 

Il décide de l’acheter malgré son indigence. « Alors le jour de la vente je lui fis un chèque en lui disant qu’il ne pourrait le toucher que dans quelques jours, mon compte bancaire étant en France. Il accepta, non sans difficulté », explique Khalil. L’attestation d’achat du terrain en main, il courut dans une cabine téléphonique et appela un ami. « Mon frère Hussein, j’ai besoin de toi et c’est urgent. Je viens d’acheter un terrain mais il me faut rapidement de l’argent sur mon compte, j’ai l’attestation de vente en main ». Réaction d’Hussein. « Maintenant je peux t’aider, mais dans le trou dans lequel tu étais, si j’essayais de t’aider, je serais tombé avec toi ». Son ami lui remit 2,5 millions. « Prend un million pour le terrain, et donne 1 million à ta femme pour la calmer un peu et garde le reste », lui dit-il. Mais il restait toujours à payer la totalité du terrain évalué à 46 millions de FCFA. Là encore Hussein se montrera digne de l’amitié que lui porte Khalil.» Khalil trouve-moi au Plateau, dans le sous-sol de l’immeuble Nabil. Je l’y rejoins et là, il m’ouvre le coffre de sa voiture et me dit : C’est à toi, c’est 46 millions, tu peux les compter. Ce n’est pas un prêt, prends- es. Si un jour tu peux me rembourser, fais le si tu veux. Je l’ai serré contre moi et je suis allé directement sans escales payer le terrain ».
Mais ce n’était pas encore le bout du tunnel. Une chose est d’avoir un terrain, et une autre est d’avoir une autorisation de construire. Premier couac. « J’avais le terrain, mais il me fallait l’autorisation de construire. J’ai été voir le Ministre d’alors pour l’obtenir, mais rien n’y fit. J’ai fait ce que je pouvais ici à Abidjan pour l’avoir, mais impossible. Les portes m’étaient mystérieusement fermées ». C’est alors que Khalil tentera ce que très peu de personnes dans sa position auraient fait. Un joker presqu’inimaginable pour cet homme rendu misérable par les coups de la vie. 

« J’ai décidé d’aller voir le président français d’alors, Jacques Chirac. J’ai appelé mon ami : Hussein j’ai besoin de toi. Il m’a dit : Khalil tu me fatigues. Je lui ai répondu : oui je sais. Je dois rencontrer Jacques Chirac, j’ai besoin d’un billet d’avion pour la France et de l’argent de poche pour le voyage. Hussein m’a encore demandé : Est-ce que tu connais Chirac ? L’as-tu déjà rencontré ? Je lui ai encore répondu : Non, je ne le connais pas mais il n’y a que lui qui puisse régler mon problème ». Khalil Hesné se rend en France. Quelques jours après son arrivée, il rencontre par hasard un vieil ami à qui il expose son problème. « Je ne connais pas Chirac, mais je connais très bien quelqu’un qui est proche de lui et qui peut t’arranger cela ». Quelques jours plus tard, Khalil Hesné, le mendiant, l’endetté, le refoulé, est reçu par l’un des hommes les plus puissants du monde, le Président de la République Française, Jacques Chirac. L’homme d’État prendra le dossier, le confiera à son ministre de la coopération qui à son tour, le fera suivre par son conseiller technique. 

Quelques semaines plus tard, Khalil rentre à Abidjan et est reçu par le Chef d’État ivoirien. Six mois après, il obtient l’autorisation de construire. Mais l’homme n’est pas sorti de l’auberge. Où trouver l’argent pour construire ? Il lance alors un appel d’offres. « Trois entreprises se sont manifestées. Deux d’entre-elles me demandaient un apport de 20%, et la troisième qui appartenait à un libanais, me demandait un apport de 30% ». Mais une fois de plus, l’ancien vendeur de cigarettes n’a pas un seul radis. Avec les deux premières entreprises, il n’a aucune affinité́ directe ou indirecte. Il essaie alors avec le libanais en espérant que celui- ci entreprendra les travaux sans apport initial, mais ce dernier refuse. « Niet ! ». Khalil est coincé. Mais il a vu pire. Il prend conseil auprès d’un ami commun également libanais et voici le conseil de ce dernier. « Dis-lui (à l’entrepreneur libanais) que tu comptes me confier les travaux parce que je ne prendrai pas d’apport initial ». L’entrepreneur mord à l’hameçon et reviens vers Hesné. « Khalil, j’ai réfléchi et je vais faire les travaux, mais je ferai seulement le rez-de-chaussée ». 

C’était suffisant pour Khalil. Quelques mois plus tard, l’immeuble sortit de terre. « C’est avec les paiements de loyers des premiers magasins que j’ai achevé́ l’immeuble. Khalil Hesné renaquit de ses cendres avec, en prime, une foi inébranlable. « Pour la réussite il faut trois choses : avoir la foi en Dieu, la foi en ce qu’on veut faire et de la persévérance ». En 2013 Khalil Hesné a été intronisé Nana Kouao II par le Roi d’Agnibilékrou, Nana Kouao I. Khalil est aujourd’hui un operateur économique, fondateur et directeur général de HES Finances. Il envisage d’offrir des taxis communaux exclusivement conduits par des femmes. Il est le parrain de l’un des plus grands réseaux de femmes ivoiriennes comprenant plus de 10 mille femmes. L’une de ses devises : « Quand Dieu te sert, sers les autres, si tu veux qu’il continue de te servir ». 

BAMBA Souleymane

source : Esprit Magazine




 

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