Aujourd’hui, peut-on dire que les fonctionnaires de Côte d’Ivoire se portent bien ?
L’Intersyndicale des fonctionnaires de Côte d’Ivoire (IFCI) a été mise en place pour améliorer les conditions de travail de ses membres et assurer la défense de leurs intérêts. C’est dans ce sens que nous avons mené la lutte pour aboutir à la révision de la réforme sur la pension de retraite. C’est dans ce sens que nous avons amené le gouvernement prendre 5 mesures, dont le payement des allocations familiales, la prise en compte de la majoration pour famille nombre, etc. Tout cela est effectif aujourd’hui. En plus, il y a la revalorisation indiciaire, le stock des arriérés. A ce sujet, le gouvernement paye depuis 2018, 17,5 milliards FCFA aux fonctionnaires concernés. Vous avez à côté, l’intégration des agents journaliers à la Fonction publique, qui est un acquis. Sans oublier, les précomptes à la source au profit des centrales syndicales.
Quels sont les points d’insatisfaction ?
D’abord et surtout, le non-respect des libertés syndicales. Nous avons constaté une batterie de mesures coercitives à l’encontre des leaders syndicaux. Il y a eu les ponctions délibérées des salaires, les suspensions de salaires, les gels des avoirs autres que les salaires. Nous citons également les mutations abusives de certains leaders syndicaux, les arrestations des leaders syndicaux. Et même les atteintes à l’intégrité physique d’un certain nombre de leaders syndicaux.
Qui ?
Il y a eu des agressions physiques de leaders syndicaux à l’intérieur de notre pays. A Bouaké, à Man, notamment.
Etait-ce la faute à l’Etat ?
Les enquêtes préliminaires que nous avons eu à faire montrent que ce sont des personnes envoyées par des membres du gouvernement. On a aussi observé qu’un acte élémentaire a été pris pour interdire les activités syndicales des directeurs d’écoles.
N’est-ce pas normal ?
Non c’est anticonstitutionnel. Et c’est cette batterie de mesures coercitives qui entrave les libertés syndicales en Côte d’Ivoire. L’autre point d’insatisfaction évidemment, ce sont les agents journaliers qui attendent depuis leurs arrêtés de nomination.
Concernant le gel des salaires, quelle a été votre réaction ?
Nous avons été offusqués. Et nous sommes en train de nous structurer pour que ce type d’action cesse à jamais. Nous sommes en train de préparer un rapport que nous allons porter auprès du Bureau international du travail (BIT).
On parle également d’absence de cadre de dialogue…
Effectivement, il y a une absence de cadre de dialogue. Il faut qu’il y ait un cadre de dialogue dans les différentes structures, dans les ministères techniques. Or, ce n’est pas le cas.
Pourquoi rien n’est fait depuis la signature de la trêve sociale?
Nous avons utilisé toutes les voies de dialogue pour amener le gouvernement à créer ces différents cadres de dialogue, depuis la signature de la trêve sociale, mais rien. Aujourd’hui nous demandons au gouvernement de faire le bilan de cette trêve sociale.
L’Etat vous accuse notamment de violer les accords de la trêve en faisant les grèves.
C’est l’absence de cadre qui entraîne la résurgence de grève et non le contraire. Dans le cas de la santé, par exemple, c’est récemment que le gouvernement a installé leur cellule de dialogue sociale, pour aborder les questions liées à l’avènement de la CMU. Pourquoi maintenant alors que le projet existe depuis des années ? Vous voyez ?
Dès qu’on ouvre la porte au dialogue, les problèmes des fonctionnaires pleuvent…
C’est légitime. Qui n’aspire pas à un mieux-être ? Par contre si la confiance est instaurée entre les deux parties, on peut valablement savoir ce qui est possible ou pas. Nous sommes suffisamment intelligents pour comprendre les difficultés de l’Etat et savoir ce qu’on peut faire maintenant et ce qu’on peut faire après.
Aujourd’hui, votre cheval de bataille ce sont les indemnités de logement...
Est-ce normal que dans un pays on octroie des indemnités de logement à une partie des fonctionnaires et pas à d’autres fonctionnaires ? Il faut attribuer des indemnités aux fonctionnaires qui n’en ont pas. Il faut revaloriser l’indemnité attribuée aux fonctionnaires et qui sont dépassées aujourd’hui. Il faut ensuite payer l’indemnité à ceux qui en ont droit mais qui ne le perçoivent pas. Comme les instructeurs de formation professionnelle de base. Mais nous pensons que c’est le statut général des fonctionnaires qu’il faut réviser pour régler tout ça. En plus de cela, il faut supprimer certains impôts sur les salaires. Nous savons tous de quoi il s’agit. Il faut également revaloriser les allocations familiales et les primes de transport.
N’est-ce pas un peu trop comme exigences ?
Non. Avec les moyens que l’Etat a aujourd’hui, il peut le faire. Dans les villes les fonctionnaires sont à la périphérie. On exige qu’ils soient à l’heure au travail, qu’ils soient bien habiller, etc., alors qu’ils sont mal logés. Faisons ce qui est possible maintenant, le reste, planifions-le.
Pourtant le gouvernement a assez fait
Le gouvernement peut faire plus.
Comptez-vous poursuivre vos revendications en 2020, malgré le climat politique ?
Il n’y a pas de période pour revendiquer. Nous allons continuer à porter nos revendications en 2020. Nous demandons aux fonctionnaires de rester mobilisés. Nous demandons aux fonctionnaires de se mettent ensemble pour revendiquer, car, cela les rend plus fort. N’allons pas en rang dispersé sinon nous ne serons pas écoutés.
Raphaël TANOH