Dans cette interview, le président de l’OPEECI et aussi du collectif des parents d’élèves revient sur les maux dont souffre l’école ivoirienne.
Les affectations en 6ème et en seconde sont disponibles depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Mais on note toujours des plaintes de la part des parents parce que leurs enfants ne sont pas affectés là où ils le souhaitaient…
La commission d’affectation qui siège travaille en fonction de la disponibilité des infrastructures d’accueil. Aujourd’hui avec les innovations apportées par le gouvernement, chaque parent peut procéder à l’affectation de son enfant lui-même. Mais la vérité est que beaucoup l’ignorent encore. Il n’y a pas eu assez de communication là-dessus. Un autre constat, c’est que de nombreux élèves ne font pas leur demande d’affectation en ligne. Dans ces conditions, la commission est obligée de procéder elle-même à l’affectation de l’apprenant. Et cela pénalise l’élève. Ce qu’il faut faire à mon sens, c’est de sensibiliser assez les parents sur les innovations apportées pour l’affectation des élèves après l’entrée en sixième et le BEPC.
Un problème qui est au centre des débats depuis quelques années, c’est le faible niveau des élèves. Quelles en sont les causes, du point de vue des parents ?
Nous avons toujours dénoncé les insuffisances de l’école. Et nous les parents d’élèves ne sommes pas étrangers à cela. Il y a eu une démission de notre part depuis trop longtemps. La volonté politique est là mais les conditions de travail ne sont pas réunies. A côté de cela vous avez l’inadéquation des programmes de formation avec la réalité. Ce qu’il faut faire aujourd’hui, c’est d’effectuer les états généraux de l’éducation nationale. En plus de cela, il y a le problème de la subvention de l’Etat aux établissements privés. Cette subvention, ils en ont besoin. Sans cet argent, ces écoles ne peuvent aucunement dispenser un enseignement de qualité.
La tricherie à l’école est un phénomène dénoncé par les autorités. Mais chaque année, on a l’impression qu’elle s’incruste un peu plus dans le système éducatif ivoirien.
La tricherie est un problème très sérieux qui mine l’école ivoirienne aujourd’hui. Mais je peux vous dire que depuis 2011, elle a un peu baissé, sans être pour autant négligeable. La Direction des examens et concours (DECO) travaille fort sur les moyens qu’il faut pour parvenir à atténuer complètement cette pratique honteuse. Mais vous devez savoir que les enseignants eux-mêmes y sont pour beaucoup dans la tricherie à l’école. Et cela est exacerbé au privé, parce que les enseignants y sont mal payés.
Un autre phénomène, ce sont les grossesses scolaires. Chaque année, des milliers de cas de grossesse sont recensés dans nos établissements. Avec quel œil vous, parent d’élèves, observez-vous cela ?
C’est très inquiétant pour les parents. Surtout que les cas de grossesses scolaires tendent à prendre de l’ampleur. Malgré la campagne de sensibilisation entreprise par le ministère de l’Education nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, nos filles continuent à se faire engrosser impunément. Et nous pensons que cela est dû en grande partie à la pauvreté. Mais il y a aussi de nombreux cas où les jeunes filles, bien qu’à l’abri du besoin, prennent des grossesses à l’école. C’est pour cela que nous disons aussi que c’est un problème humain. La politique de zéro grossesse scolaire sera difficile à atteindre tant que nous n’aurons pas agi sérieusement sur les mentalités.
Une autre innovation, c’est l’assurance scolaire que vous comptez instaurer. De quoi s’agit-il ?
Nous avons constaté que les élèves sont victimes de nombreux accidents à l’école ou sur la route de l’école. Accident de circulation, morsures d’animaux, chutes, etc. Il arrive aussi que l’enfant cause lui-même des dégâts qui peuvent mettre les parents en difficulté. C’est pour cela que nous avons décidé d’instaurer une assurance scolaire. Cela, avec l’aide du groupe NSIA et du ministère de l’Education nationale. La souscription est à 500 francs CFA annuelle. Mais nous précisons qu’il s’agit d’une assurance risques, elle ne prend pas en compte les cas de maladie.
Ce sera la première fois que l’école connaîtra ce genre d’assurance ?
Non, il y a déjà eu une assurance scolaire. Elle a pris du plomb dans l’ail parce que les cotisations des parents n’arrivaient pas à destination. Pour éviter cela, nous avons décidé que les parents payeront ces 500 francs CFA par transfert électronique sur le compte de la maison d’assurance directement.
Sera-t-elle obligatoire ?
Non, pas pour le moment. Nous allons d’abord sensibiliser les parents sur le bienfondé de cette assurance risques.
Interview réalisée par Raphaël TANOH