La journée, ils colonisent les moindres mètres carrés vacants. La nuit également les commerçants ne laissent aucun répit à leur clientèle. La devanture des commerces et les trottoirs se transforment en marchés de fortune. Zoom sur un phénomène qui prend de l’ampleur.
Ces dernières années, le commerce de nuit a explosé dans la capitale économique. Auparavant, le phénomène était circonscrit aux communes populaires, telles Abobo, Yopougon ou encore Koumassi. Mais aujourd’hui les quartiers chics d’Abidjan, comme Cocody, sont entrés dans la danse. Depuis le « carrefour Mobil » jusqu’à « Petro Ivoire », en passant par le « carrefour les Oscars » et le 22ème arrondissement, le Boulevard Latrille est jonché de vendeurs nocturnes. À partir de 18h, ce qui était il y a quelques heures un parking ou la façade flamboyante d’une entreprise se transforme soudain en un vulgaire marché à ciel ouvert.
Les devantures des commerces et les trottoirs dégarnis à la tombée de la nuit sont également pris d’assaut par les commerçants. On y trouve un peu de tout, mais surtout de la friperie. Des chaussures, des vêtements, des sacs à main, des ustensiles de cuisine, de la vaisselle, des montres, des parfums, des accessoires en tous genres. Les « prix cassés » des marchandises exposées ne laissent pas indifférent. À Angré, en face du 22ème arrondissement (en allant vers le Mahou), la devanture du magasin d’ordinateurs qui s’y trouve est méconnaissable la nuit. Pour 1 000 franc CFA vous pouvez vous offrir un magnifique pantalon « bas tuyau » ou un décolleté affriolant. Ce dernier « bastion » conquis, les marchés de nuit ont quasiment inondé toutes les communes d’Abidjan. Pour les clients qui se confient à cette forme de commerce, c’est en premier lieu le rapport qualité / prix qui prime. On trouve, par exemple, de la marchandise que vous ne verrez pas la journée dans la plupart des friperies, et moins cher. Parfois, à moitié prix. C’est l’atout majeur de ces commerçants nocturnes. La clientèle est surtout très avisée. Ce sont des « habitués » qui ont appris à déceler les défauts masqués par la pénombre. Au final, chacun s’en tire à bon compte. Mais d’où sortent ces commerçants et pourquoi ne vendent-ils que la nuit ? « Ce sont des gens qui exercent à la nuit tombée parce qu’ils n’ont pas d’endroit la journée pour s’installer », explique Roger Jean Boto, adjoint au maire de Treichville. Qui ajoute : « nous les avons répertoriés. On ne peut donc pas dire qu’ils exercent cette activité de façon clandestine. Il y a des taxes de nuit qu’ils payent ». Mais la collecte desdites taxes n’est pas aisée. « Vous convenez avec moi que ce ne sont pas des heures pour envoyer quelqu’un collecter des taxes, dans des endroits parfois peu recommandables. Il faut donc que nos agents soient en sécurité. C’est pour cela que la police les accompagne », renchérit Roger Jean Boto. Si pour l’instant les seules véritables conséquences sont des désordres urbains, les marchés de nuit n’ont pas encore fini leur expansion et pourraient devenir une source d’inquiétudes dans un avenir proche.
Raphaël Tanoh