L’éradication du paludisme, première cause de mortalité en Côte d’Ivoire, n’est pas pour demain. Les efforts des autorités en charge de la lutte sont annihilés par certains comportements de bénéficiaires de moustiquaires imprégnées d’insecticide.
Le paludisme représente la première cause de morbidité, avec 43 % des motifs de consultation dans les formations sanitaires de Côte d’Ivoire. Les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes sont les groupes les plus vulnérables. Au plan socio-économique, selon les chiffres officiels, le paludisme est responsable de 40 % de l'absentéisme en milieu scolaire et de 42 % en milieu professionnel. Les familles consacrent environ 25 % de leurs revenus au traitement et à la prévention. Les autorités sanitaires se sont donc investies dans la prévention de la maladie, avec des campagnes de distribution gratuite de moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILDA). Mais le constat est qu’elles sont souvent utilisées à d’autres fins.
Mauvaises pratiques Selon le spécialiste Samba Touré, cette attitude s’apparente à un comportement réfractaire, de refus, de résistance, dans un face-à-face avec un outil ou une technologie rationnels. Une étude publiée dans « Médecine et Santé Tropicales » le confirme. Le non-usage peut renvoyer, selon elle, à trois dimensions : la non-adoption (non-achat ou non-consommation), la non utilisation (absence d’emploi physique ou concret de l’objet) et la non-appropriation (absence de maîtrise technique et cognitive de l’outil). Dans le cas des MILDA, l’étude a considéré la non-utilisation de ces outils de prévention et les usages qui en sont faits. « Il en ressort que certains Ivoiriens ont trouvé que ces moustiquaires pouvaient servir à mieux que la protection contre les piqûres de moustique et les maladies liées ». Ainsi, les footballeurs des quartiers s’en servent comme filets de buts. Des commerçantes aux ménages, « chacun y trouve son compte ». Les cultivateurs ne sont pas en reste, ils ont eux aussi trouvé des formules inédites et s’en servent comme clôtures pour les champs ou murailles de protection des plantations contre les animaux. Si, ces dernières années, la prévalence hospitalière a été considérablement réduite grâce aux campagnes de sensibilisation à l’utilisation des moustiquaires imprégnées, ce taux pourrait être encore plus bas si les mesures de prévention prescrites par les autorités étaient suivies à la lettre, conclut l’étude.
Malick SANGARÉ