Se faire établir un titre administratif en Côte d’Ivoire a de tous temps été un véritable parcours du combattant. Malgré une batterie de réformes dans le secteur, rien ne semble avoir changé dans le temple de Thémis.
A côté des procès qui s’y déroulent régulièrement et qui captent l’attention du public, les palais de justice de Yopougon et du Plateau reçoivent chaque jour des centaines d’Ivoiriens qui tentent d’obtenir des papiers administratifs et qui butent sur la rigidité d’une procédure qui peine à se moderniser.
Faux espoirs Dès 2013, une série de réformes est entreprise par le ministère de tutelle, avec pour objectif de moderniser le système de production et de délivrance des titres administratifs. Dans la foulée, ces documents changeront d’aspect et verront leurs coûts de production passer de 750 à 2 500 francs CFA pour les extraits de casiers judiciaires et de 1 000 à 3 000 francs CFA pour les certificats de nationalité. Maître Pornan Coulibaly, greffier au tribunal d’Abidjan, explique que la hausse des coûts des actes de justice « tire sa source dans le décret 2013-279 du 24 avril 2013, portant tarification, émoluments et frais de justice en matière civile, administrative et sociale ». Il s’agit pour l’État de faire appliquer une loi qui existe, depuis longtemps, mais qui n’est pas appliquée. Cette nouvelle réglementation était censée apporter un peu de célérité dans le traitement des demandes. Mais « rien n’a changé à ce niveau. Il faut 2 à 3 semaines avant de pouvoir entrer en possession de nos papiers. Pour les plus chanceux, sinon tu attends plus longtemps », déclare, amer, un usager en attente d’un certificat de nationalité.
Corruption Pour contourner ces difficultés et éviter les longues files d’attente, les usagers s’offrent souvent les services de « démarcheurs ». Ces individus ne sont ni fonctionnaires du ministère de la justice ni agents du tribunal, mais bien introduits dans ces services. Moyennant une somme comprise entre 5 000 et 10 000 francs CFA, ils se proposent de faire établir les pièces en quelques heures. Ange Lago fait partie de ces jeunes qui accostent les passants. Il dit travailler en collaboration avec sa mère, fonctionnaire. « Il y a certaines personnes qui ont besoin de leurs papiers dans l’urgence. Je fais jouer mes relations pour accélérer le traitement de leur dossier ». Et si ses prestations sont chères, c’est parce qu’il doit « donner un peu de sous aux personnes qui interviennent à chaque niveau de l’échelle».
Malick SANGARÉ