Jean-Yves Abonga, président de l’Intersyndicale des fonctionnaires de Côte d’Ivoire (IFCI), revient sur ce que sera l’année 2022 sur le front social.
La trêve sociale signée avec le gouvernement le 17 août 2017, prend fin dans six mois. Comment préparez-vous l’après ?
Avant cette échéance, nous avons saisi le gouvernement pour faire un bilan et dégager les perspectives. Depuis le début de l’année, nous avons commencé à alerter les autorités, car c’est le 16 août que ce protocole s’achève.
Quel bilan peut-on établir de cette trêve de 5 ans ?
Il faut s’avoir que nous avons signé en 2017, deux protocoles d’accord. Le premier porte sur la mise en place d’un cadre de dialogue et le second porte sur la satisfaction de nos revendications syndicales. Le gouvernement a respecté ses engagements pour ce qui est de nos revendications. Ce que nous saluons. Il y avait 5 points de revendications : La révision de l’ordonnance de 2012 portant régime de pension, qui est appliquée ; il y a la bonification de 100 et de 150 points d’indices, qui a été exécutée en fin janvier 2018 ; nous avons l’intégration des contractuels à la Fonction publique, le paiement du stock des arriérés (SDA), qui a commencé en 2018 et qui est à sa 5ème tranche. Enfin, nous avons le reversement des précomptes qui se fait, actuellement.
Par contre, c’est sur le second protocole d’accord, portant trêve sociale, qu’il a problème. Le gouvernement avait pris l’engagement de créer un cadre de discussion. Mais aucun cadre n’a été mis en place à ce niveau. Ce qui est déplorable. En signant ce protocole d’accord, nous avions voulu mettre en avant la voie négociée. Il devait y avoir un cadre au niveau de la Primature, un cadre au niveau de chaque ministère technique. Et même dans les régions.
Il existe cependant un comité national de dialogue…
Le comité national du dialogue de la Fonction publique réceptionne uniquement les revendications sans les traiter. Ce n’est pas de cela qu’il était question.
Le manque de cadre de discussion a-t-il eu un impact quelconque sur le front social ?
Oui, parce que certains syndicats ont observé des grèves à cause de cela.
Des syndicats s’étaient déjà désolidarisés de cette grève, en 2017…
Très peu de syndicats l’ont fait. Mais c’est parce qu’ils n’ont pas bien compris le contenu de la trêve. Malheureusement, ils ont entraîné certains fonctionnaires dans la grève et cela leur a coûté des ponctions sur salaires. Nous faisions des grèves parce que le gouvernement refusait de nous ouvrir des portes. Mais lorsque le gouvernement accepte l’ouverture des portes, il faut être patient. Certains syndicats ne l’ont pas été.
Allons-nous vers la signature d’une autre trêve sociale ?
Pas pour le moment. Ce qui est urgent aujourd’hui, c’est de trouver des solutions aux préoccupations des fonctionnaires ; c’est d’aller vers les négociations.
Donc, c’est un pas en arrière ?
Le cadre de discussion que nous attendions n’a jamais été mis en place. Les nouvelles préoccupations des fonctions sont donc restées lettres mortes. Il faut repartir à la négociation, pour la mise en place d’un cadre de discussion, comme avant.
La manière de revendiquer a-t-elle changé au sein des faitières ?
Nous disons que la liberté syndicale n’est pas encore au mieux. Lors des dernières grèves, nous avons assisté à des ponctions, à des comptes d’épargnes bloqués. L’article 5 et l’article 4 du protocole d’accord de la trêve sociale ne sont pas respectés. Mais, les fonctionnaires privilégient la négociation. Toutefois, le dialogue s’arrête à la fin de la trêve sociale. Jusqu’en août, il faut trouver des solutions par voie négociée. Car, 2022 sera une année de lutte.
Aujourd’hui, quelles sont vos priorités ?
L’IFCI a transmis au gouvernement une plateforme revendicative sur les questions qui concernent les fonctionnaires de Côte d’Ivoire. D’abord, il faut une nouvelle loi portant statut général de la Fonction publique. La loi de 1992 est vétuste. Cette nouvelle loi va encadrer la formation continue, l’activité syndicale, etc. Ensuite, il faut revoir l’indemnité de logement pour les fonctionnaires. La question des accessoires de salaire est également importante pour nous. L’allocation familiale est de 2 500 FCFA à la Fonction publique, alors qu’au privé, elle est de 5000 F. Il faut aussi rehausser l’indemnité de transport. Nous avons appelé la révision de tous les décrets portant échelle de traitement des fonctionnaires ivoiriens. Ces échelles ont été conçues pour 30 ans de service. Or, certains travailleurs vont à la retraite après 40 ans de service. Au-delà de 30 ans, vous ne pouvez plus bénéficier d’avancement. Il y a aussi la question du premier salaire de certains fonctionnaires. Parfois, ils attendent 4 ans pour recevoir leur rappel. À côté de cela, nous insistons sur l’instauration de primes pour certains fonctionnaires, à partir des ressources générées par leurs ministères.
Vous avez pris part à l’élection de la Mutuelle générale des fonctionnaires de Côte d’Ivoire (Mugefci). Accompagnerez-vous la nouvelle équipe dirigeante ?
Au nom du groupe la « Mutualité-vraie », nous avons participé à l’élection de la Mugefci. Les camarades ont porté leur choix sur un autre programme. Nous avons appelé le nouveau président du conseil d’administration (PCA) pour le féliciter. Comme par le passé, il ne s’agira pas d’accompagner la nouvelle équipe, mais d’œuvrer à ce que les mutualistes puissent avoir les meilleures prestations possibles. Sous Mesmin Komoé, lorsque nous avions constaté qu’il y avait des dysfonctionnements nous nous sommes approchés de lui, pour faire des propositions. Nous serons dans cette même logique.
Avez-vous relevé des dysfonctionnements pendant le scrutin ?
L’élection s’est bien déroulée. Il y a seulement eu quelques petites irrégularités, qui n’ont pas entaché d’ailleurs l’issu des élections. Dans le guide électoral, par exemple, il y a des dispositions à réviser. Ce n’est pas normal qu’un groupe de mutualiste désigne leurs représentants à l’assemblée générale, au conseil d’administration. Et qu’ils soient appelés à désigner les représentants de d’autres collèges électoraux.
Interview réalisée par Raphaël TANOH