Le vent des fêtes de fin d’année souffle déjà sur la capitale ivoirienne. Une haute saison pour les débits de boissons et autres lieux de réjouissances, maquis et boites de nuit, qui font en ce moment leur toilette pour accueillir leurs clients habituels, mais aussi de nouveaux venus, ces adolescents de plus en plus friands de ces espaces, réservés, en principe, aux adultes.
La prolifération des débits de boissons, qui se retrouvent aujourd’hui au cœur de certains quartiers des communes d’Abidjan, a fini par rendre ces endroits attrayants aux yeux des enfants, qui s’y rendent, accompagnés parfois d’adultes, pour y célébrer leurs anniversaires, baptêmes ou réussites scolaires. Vulnérables, ces adolescents se trouvent très vite confrontés à l’alcool et à tous les autres dangers liés à ce genre d’endroit.
Selon les chiffres officiels fournis par le Programme national de lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme, la toxicomanie et les autres addictions (PNLTA), 70% des jeunes élèves âgés de 12 à 16 ans consomment de l’alcool. Les campagnes de sensibilisation et de répression menées par les pouvoir publics, avec la destruction de maquis aux abords des écoles, n’ont pas pu donner de résultats probants. La consommation d’alcool et la présence de plus en plus fréquente d’adolescents dans les discothèques n’ont cessé de croitre, ces derniers n’hésitant plus à publier sur les réseaux sociaux vidéos et photos de leur sorties. Des images qui tranchent avec la version de certains tenanciers de ces espaces ludiques, qui se défendent d’ouvrir leurs portes aux mineurs. « Nous ne les acceptons que quand ils sont accompagnés d’adultes et quand il ne fait pas trop tard. Nous veillons à ce qu’ils ne consomment pas de boissons alcoolisées dans notre établissement », explique sous couvert d’anonymat le gérant d’une boite de nuit de Williamsville, un quartier populaire d’Abidjan. Difficile de le croire, dans un endroit où il n’est pas rare de trouver des adolescents travaillant dans ces restaurants populaires flirtant avec des bouteilles d’alcool.
À l’évidence, les dispositions légales sur la protection des jeunes contre l’alcoolisme prévues dans la loi portant Code des débits de boisson du 1er août 1964, interdisant de servir de l’alcool aux mineurs, restent lettre morte. « Si, au niveau mondial, l’alcool est le 3ème facteur de morbidité après l’hypertension et le tabac, il y a à craindre pour les adolescents ivoiriens, qui voient en lui un élément de socialisation », s’alarme le sociologue Yves Herman Kouassi. Il pointe également du doigt un système « muet, sourd et presque incapable » de faire face à une dérive qui accentue la perte de repères pour les générations à venir.
Malick SANGARÉ