Dans cet entretien, Dr Ehoulé Krao, directeur-coordonnateur du Programme national de promotion de la médecine traditionnelle (PNPMT) revient sur la pratique de la médecine traditionnelle en Côte d’Ivoire.
Beaucoup de praticiens affirment que leurs médicaments peuvent soigner une multitude de maladies. C’est en quelque sorte de l’escroquerie ? Cela s’apparente en vérité à du charlatanisme. D’ailleurs, même nos parents du village qui détiennent parfois des remèdes efficaces contre certains maux se gardent depuis toujours de s’en vanter. C’est immoral ! Il y va du bon sens. En médecine, il est formellement interdit de faire la publicité du médicament, c’est-à-dire d’inciter à la grande consommation des médicaments. Vous ne pouvez pas imaginer les conséquences que cela pourrait engendrer. La population doit faire attention à tout ce qui brille. Le ministère de la santé, à travers le programme national de promotion de la médecine traditionnelle, peut être sollicité par tous ceux qui voudraient se soigner par la médecine traditionnelle.
Comment se déroule la collaboration des praticiens de la médecine traditionnelle avec les médecins modernes et le ministère de la santé ?
Au sein même du programme, six docteurs en médecine ont décidé de consacrer leur carrière à la documentation des savoirs et bonnes pratiques dans l’usage de la médecine traditionnelle. C’est déjà une base de bonne collaboration entre la médecine traditionnelle et la médecine conventionnelle. C’est graduellement que la collaboration se fait. Une plante médicinale peut avoir plusieurs principes actifs et il est possible pour des scientifiques de démontrer l’action de ces principes sur des germes pathogènes différents. La médecine traditionnelle suscite de plus en plus l’intérêt du monde scientifique. Aujourd’hui, des praticiens de médecine traditionnelle participent, à travers le territoire national, aux réunions des directeurs régionaux de la santé où ils font cas de leurs expériences ainsi que des difficultés qu’ils rencontrent dans l’exercice de leur fonction. L’un des fruits de la bonne collaboration entre ces deux médecines, c’est la vente en pharmacie, aujourd’hui, de 5 médicaments à base de substances naturelles, après avoir suivis tout un processus pour déboucher sur l’homologation. C’est dire que les choses avancent.
Y a-t-il des pathologies en Côte d’Ivoire où les praticiens traditionnels excellent dans le traitement ? Si oui, lesquelles?
L’Académie des sciences et de la culture africaine (ASCAD) a récemment décerné un prix à une praticienne de médecine traditionnelle pour l’apport de son médicament à base de substances naturelles sur la recherche contre le diabète. Mais de là à affirmer qu’un praticien soigne ou est spécialiste d’une pathologie spécifique, l’écart est grand. Il faut des années de recherches scientifiques poussées pour avancer une telle assertion.
Raphaël Tano