Trouver du boulot n’est pas aisé. À la rareté du travail s’ajoutent souvent des conditions de recrutement peu équitables.
Cela s’est passé il y a quelque temps. L’annonce lui avait mis l’eau à la bouche. Affiché sur l’un des sites d’emplois les plus sérieux de la place, le job avait plutôt l’air correct. Ce que Lanciné Ouattara ignorait, c’était la clause secrète de l’employeur : quiconque voulait bénéficier du projet devait se plier à une formation biblique. Adjé Narcisse, le Président exécutif de la structure, lui avait alors expliqué qu’il n’était pas question de mettre des fonds à la disposition des bénéficiaires tant que ceux-ci n’auraient pas intégré la parole de Dieu. Musulman invétéré, Lancina Ouattara ne pouvait pas « blasphémer » Allah en allant suivre des enseignements bibliques. Il a donc été mis sur le carreau. Et c’est tout indigné que le garçon crie à la discrimination !
Subtilité Si ce cas paraît anodin, le phénomène en lui-même est malheureusement une triste réalité pour de nombreux demandeurs d’emploi, déjà désillusionnés par la rareté du travail. La pratique est subtile, parfois sournoise, et prend différents visages. « Il y a des annonces qui comportent en elles-mêmes des germes de discrimination », témoigne Alhouceine Sylla, Président de l’Association des professionnels des ressources humaines de Côte d’Ivoire (Aprhci). « Par exemple, pour un poste qui requiert la compétence d’un homme, le professionnel ne vous le fera jamais savoir », note-t-il. Après l’entretien, les femmes sont purement et simplement rayées de la liste. « Et même des femmes enceintes sont écartées à cause de leur état », fait savoir un chef d’entreprise. À entendre Moussa Bamba, Président de l’Association ivoirienne des dialysés et insuffisants rénaux (Aidir), ils sont l’exemple type de la discrimination la plus répandue. À l’embauche comme au travail, ces malades sont éliminés du circuit par un simple coup de stylo. « Si vous travaillez dans une entreprise privée et que vous êtes insuffisant rénal, vous n’avez aucune chance de rester longtemps à votre poste », dénonce le malade.
Plusieurs de ses frères l’ont appris à leurs dépens. Comme Roger Badou, cet ancien gestionnaire dans une société bancaire d’Abidjan. Le 29 mars 2008, son employeur, après avoir constaté son état, lui a donné un congé maladie avant de le mettre à la porte pour insuffisance de résultats. « Nos frères dans le public peuvent travailler, pourquoi pas ceux du privé ?», s’interroge M. Bamba.
Raphaël TANOH