La ville de Bouaké paye-t-elle le lourd fardeau d’avoir été capitale de la rébellion ?
Il est évident que la ville de Bouaké est la principale victime de la rébellion, étant donné qu’elle a servi de quartier général à celle-ci pendant près de dix bonnes années. La rébellion a inoculé dans le corps social de cette ville, un venin nocif qui la paralyse sur les plans spirituel et moral. En effet, elle a libéré en de nombreuses personnes un esprit de soulèvement des sens, des cœurs et des âmes et forgé chez elles, une banale propension au recours systématique aux armes et à la violence, pour régler des problèmes que la raison ou l’intelligence auraient suffi à régler. Bref. Bouaké est victime de la rébellion.
Comment peut-on sauver cette ville ?
Pour sauver cette ville, il faut une catharsis de choc, alliant solutions structurelles et civiques. Sur le plan structurel, Bouaké doit bénéficier d’un véritable plan Marshall. Il est curieux que des principales villes de l’ex-zone CNO, Bouaké, à la différence de Korhogo, d’Odienné ou de Séguéla soit aussi pauvres en termes de renouvellement, de réhabilitation ou de constructions d’infrastructures. Aujourd’hui, quand vous vous rendez à Bouaké, vous sentez encore l’empreinte de la crise, et très souvent, vous ne la sentez pas seulement, vous la voyez. Il doit avoir des investissements conséquents dans les grands travaux, pour relancer les activités économiques, offrir du travail à ces jeunes qui ont grandi avec la guerre. Un exemple précis d’action concrète : le grand marché de Bouaké, jadis plaque tournante de toute l’économie du centre et du nord du pays, parti en fumée dans un incendie, il y a peut-être deux décennies, doit être reconstruite. Ce marché donnera certainement un nouveau souffle à la ville.
Sur le plan civique, un véritable travail doit être fait, en association avec les associations scolaires, les confessions religieuses, les parents d’élèves, la société civile, etc.
Démilitariser une telle ville ne serait pas dangereux pour la stabilité de la ville qui compte surement des caches d’armes ?
La démilitarisation de la ville de Bouaké est ma proposition et je la maintiens. Quand il y a un problème, il faut chercher à trouver une solution. Toutes les autres villes ayant abrité des bases des anciens rebelles ne sont pas dans une situation de rébellion permanente comme Bouaké. Laisser des unités combattantes entières sur place, alors que les éléments de ces unités se comportaient déjà en seigneurs de guerre, pendant la rébellion, est une erreur stratégique. Soit on les affecte tous dans d’autres unités, ce qui apparaîtrait comme une chasse aux sorcières, soit on prend la décision de mettre un terme à la présence de tous les bataillons militaires de la ville, tout en les affectant ailleurs, en prenant soin de ne pas garder les mêmes personnes dans les mêmes unités. Les camps ainsi laissés pourraient servir de camp d’école de formation civile ou militaire. Je rappelle que l’Ecole des forces armées (EFA) qui avait été délocalisée de Bouaké, pendant la crise, se trouve toujours à Zambakro. C’est une piste pour son retour dans cette ville.
Pour le reste, il n’y aucun danger possible de l’absence de militaires dans la ville, puisque leur présence déjà constitue un danger. Ce sont les faits qui le disent. Sur le plan sécuritaire, les militaires n’assuraient déjà pas de service régalien d’ordre et de sécurité. Ce service est assuré ordinairement par la police et la gendarmerie. Il suffit de renforcer les équipes et le matériel de la police et de la gendarmerie. Evidemment, les unités mixtes d’élite, luttant contre le grand banditisme peuvent y avoir des bases.
Ouakaltio OUATTARA