L’annonce de son limogeage de l’Inspection générale d’État a fait le tour de la toile et réveillé les querelles idéologiques entre partisans et opposants à l’idée de l’unification des partis membres de la coalition au pouvoir, le RHDP. Même si elle s’est avérée finalement inexacte, la rumeur a eu le mérite de remettre au devant de la scène l’un des intellectuels les plus brillants de Côte d’Ivoire.
Le Professeur Niamkey Koffi est le premier enseignant noir recruté par le département de Philosophie de l’université Félix Houphouët Boigny de Cocody. Arrivé en 1974 dans un milieu dominé à l’époque par des expatriés français et européens, le jeune maitre-assistant trouve très vite ses marques et fait étalage de sa parfaite connaissance de la philosophie européenne. Il est aussi porteur d’une vision originale de cette science, lui qui propose « une vision philosophique du monde fondée sur le passé intellectuel de l’Afrique », comme l’a écrit sur son blog Bernard Gensane, l’un de ses contemporains. Reconnu pour sa « culture encyclopédique, son esprit critique avisé et son niveau de langue porté sur la déconstruction », il a réussi à transmettre l’amour de cette discipline à ses étudiants, participant même à forger les trajectoires intellectuelles et politiques de certains d’entre eux.
Descente Au début des années 90, au moment où le multipartisme voyait le jour en Côte d’Ivoire, et alors que tous les intellectuels de l’époque qui avaient épousé les idéaux marxistes, comme Niamkey Koffi, se rangeaient dans des partis de gauche, le Professeur en surprit plus d’un en choisissant de militer au sein du PDCI RDA, un parti de droite. Devenu porte-parole d’Henri Konan Bédié après l’accession de ce dernier à la magistrature suprême, le philosophe sera l’un des chantres de l’ivoirité, ce concept culturel semblable à un a priori, qui, une fois tombé dans le giron politique, allait conduire la Côte d’Ivoire à une crise identitaire sans précédent. Une tâche noire dans un parcours qui jusque là semblait irréprochable. Depuis la chute du PDCI, en décembre 1999, Niamkey Koffi s’est fait discret et le retour en grâce de son parti, en 2010, n’y changera pas grand-chose. Resté fidèle à Bédié, ce proche de Gnamien N’goran, ex Inspecteur général d’État, est pourtant depuis peu soupçonné d’être l’auteur de certains écrits défavorables au parti unifié. Le 16 mai, après plusieurs couacs avec l’Inspecteur général d’État (IGE) Théophile Ahoua N’Doli, bras droit du Vice-président Daniel Kablan Duncan, Niamkey Koffi (71 ans) perd son poste de Directeur de cabinet (Numéro 3 de l’IGE) pour un poste d’Inspecteur d’État. Il perd également plusieurs privilèges, comme celui d’avoir une garde rapprochée.
Malick SANGARÉ