Arthur Banga : « il faut discipliner notre armée »

Arthur Banga propose des solutions pour réformer l’armée ivoirienne

Mutineries à répétition, formation militaire, cohabitation entre ex-FDS et ex-FAFN… Le docteur Arthur Banga, enseignant à l’université Félix Houphouët-Boigny, spécialiste des questions militaires, répond aux questions de JDA

Quelles leçons tirez-vous des derniers soulèvements militaires ?

 On pensait avoir dépassé la phase de la reconstruction, que non. En 2011, nous avions des militaires dans la rue et le plus important était de les encaserner, d’entamer le processus de Démobilisation, Désarmement et Réinsertion (DDR). Quatre années après, nous étions convaincus que la question était derrière nous et que nous étions résolument dans la phase de professionnalisation de notre armée, avec la loi de programmation militaire. Cette crise est apparue pour nous rappeler que la question n’était pas bouclée.

 On parle de plus en plus de reconstruction de l’armée, mais avant d’y arriver, ne faut-il pas nettoyer notre armée ?

 Bien sûr. Mais une chose est certaine, ces soldats font partie de notre armée et nous sommes obligés de tenir compte d’eux et de les former. Il y a toute une différence entre un combattant et un militaire. Un combattant fait le combat et la guerre, mais un militaire c’est toute une éthique, une déontologie et un métier qu’il doit apprendre. Nous avons des personnes qui sont parties du statut de combattant à celui de militaire sans avoir eu la formation escomptée. À mon avis, la première chose à faire, c’est de les ramener en formation intensive et de prévoir ensuite un plan de départ volontaire pour certains.

 Dans un tel contexte, comment résoudre l’épineuse question de la cohabitation entre les ex-membres des Forces armées des forces nouvelles (FAFN) et les ex-Forces de défense et de sécurité (FDS) ?

Les chefs militaires nommés au mois de janvier ont dans leur mission de le faire. Cette crise a permis de comprendre que c’est dans notre intérêt d’avoir une armée solide et unifiée. Elle a permis de comprendre qu’il y avait des soldats républicains et que dans l’armée il y a des soldats qui ne sont pas rattachés à une personne, mais plutôt à leur métier. Cela doit pouvoir accélérer les mesures de confiance. Déjà, c’est la première fois depuis 2011 que le commandement militaire est confié à un ex-FDS (NDLR : le général Sékou Touré, chef d’État-major général des armées). Cela montre que les autorités ont compris qu’il est temps de créer cette unité, cette cohabitation. Il faut à cela ajouter des mesures sociales et responsabiliser plus de soldats issus des ex-FDS.

 Mais la plupart des commandants de légions et compagnies militaires sont aux mains des ex-FAFN…

C’est normal. On oublie souvent que nous sommes sortis d’une guerre où les ex-FDS ont combattu en faveur de Gbagbo. Quand Ouattara arrive au pouvoir, il ne peut nullement mettre le commandement aux mains de ces derniers, d’autant qu’une partie de ceux-ci est encore en exil. S’il avait récupéré le pouvoir sans une crise, et qu’il s’était mis dans cette logique, on aurait pu le condamner. Il fallait réussir une armée unifiée mais aussi réussir à protéger son pouvoir. N’oublions pas que Ouattara c’est une victoire politique, une victoire diplomatique et aussi une victoire militaire.

 Comment entrevoyez-vous l’avenir de cette armée ivoirienne ?

Nous sommes dans un environnement géostratégique qui n’a jamais été aussi menaçant pour notre pays. Nous sommes menacés par des groupes terroristes et dans une zone où la piraterie maritime est très élevée. En plus, il faut compter l’insécurité au plan national, le trafic de drogues, etc. La Côte d’Ivoire a donc besoin d’une armée, d’une gendarmerie et d’une police très fortes. Le principal problème de notre armée, c’est de la discipliner, la rendre républicaine et qu’on s’engage dans un processus d’armée unifiée, compétente et bien équipée, qui doit pouvoir répondre aux enjeux sécuritaire et diplomatique.

 

Propos recueillis par Ouakaltio OUATTARA

 

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