La rupture entre le PDCI et le RHDP, au-delà des divergences sur l’enjeu de l’élection 2020, vient de remettre au goût du jour la question de « l’ivoirité ». Un concept sensible, manipulé à souhait par la classe politique et qui a conduit à plus de 15 ans de crise.
La notion de « l’ivoirité », selon ses concepteurs, était d’ordre culturel en 1994. Manipulée à souhait par la classe politique, elle a fait plus de mal que de bien à la Côte d’Ivoire. Ce concept a contribué à agrandir le fossé entre les Ivoiriens, jusqu’à être le principal argument de la rébellion qui a éclaté en 2002. Si aux yeux des hommes de culture il s’agissait de revaloriser la culture ivoirienne, ce terme a mis les Ivoiriens face à face, les catégorisant comme « vrais Ivoiriens, Ivoirien de souche pure et Ivoiriens de souches multiséculaires ».
Une question qui fâche Face à des militants, courant mai, Henri Konan Bédié n’a pas hésité à ressortir la carte de « l’étranger envahisseur, qui agresse les Ivoiriens, leur spolie leurs terres, fraude sur la nationalité afin de constituer du bétail électoral pour 2020 ». Il n’en fallait pas plus pour que, de son côté, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) y voit « des propos mettant à mal la cohésion sociale et la paix du pays ». Mais, pour le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), les propos de Bédié ont « été sortis de leur contexte », selon Jean-Louis Billon, son porte-parole, qui invite plutôt l’administration Ouattara à ne pas faire des tabous des questions « de l’orpaillage clandestin, du foncier et de la nationalité ». Le serpent de « l’ivoirité » refait tout doucement surface et plusieurs cadres du PDCI s’en donnent à cœur joie. Sauf que cette fois-ci, les rapports de force sont différents. Le PDCI, dans l’opposition, n’a pas les outils de l’État, contrairement à la période 1995 - 2000. En face, le RHDP semble bien déterminé à ne pas laisser cela prospérer. « Nous sommes bel et bien en présence d’un appel à la haine, à la révolte contre une frange de la population ivoirienne et cela ne passera pas », a lancé Adjoumani Kobenan, le porte-parole du RHDP, le 11 juin en conférence de presse. À moins de 16 mois d’une élection présidentielle crispant toutes les attentions, les risques d’embrasement ne sont pas à écarter.
Ouakaltio OUATTARA
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