Le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, n’a pas attendu longtemps pour se rappeler au bon souvenir de ses partisans, comme détracteurs, après l’annulation par la justice burkinabé du mandat d’arrêt émis à son encontre pour son implication présumée dans le coup d’État manqué de septembre 2015 à Ouagadougou.
Deux semaines après l’annonce, lors d’une conférence de presse du commissaire du gouvernement près le tribunal militaire de Ouagadougou, le commandant Alioune Zangré, le chef du parlement ivoirien semble reprendre du poil de la bête, après avoir fait profil bas pen-dant de longs mois. Comme revigoré par cette décision de la justice burkinabé, Guillaume Soro revient sous les feux des projecteurs, en multipliant les interviews dans des médias ivoiriens et étrangers, comme le portail d’information Abidjan. net, Le Monde Afrique, ou encore Radio France Internatio-nale.
Objectif perchoir Des écoutes téléphoniques au mandat d’amener de la justice française dans l’affaire qui l’oppose à Michel Gbagbo, le fils de l'ancien chef de l’État, en passant par son avenir politique en Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, 44 ans, n’élude aucun sujet. Sur ce dernier point, à mots couverts, il ne dément pas sa volonté de briguer la présidence de la République un jour, tout en restant prudent : « En Côte d'Ivoire, tout le monde pense à la présidentielle de 2020. Je privilégierai l’ambition collective à l’am-bition personnelle », répondait-il à Christophe Boisbouvier dans une interview diffusée mardi 21 juin sur les antennes de RFI. Cela dit, il préfère se consacrer à la campagne législative prévue en novembre, où il défendra son siège à Ferkessedougou, afin de pouvoir « rempiler à la tête de l’Assemblée nationale ». Une posture qui l’éloigne donc du poste de vice-président, à qui la future constitution confè-rera le statut de nouveau dauphin constitutionnel. Résolument offensif, Guillaume Soro affirme dans Le Monde Afrique que « cela fait vingt-quatre ans que je fais front et face à l’ad-versité (...) J’ai encore beaucoup de ressources », comme pour prévenir ses détracteurs. Ajoutant, concernant l’affaire des écoutes téléphoniques, qu’il a été « victime d’une cabale que le temps permettra de démonter ». Quant à ses relations avec le président de la république, il assure bénéficier encore de la confiance du chef de l’État. « Le président Ouat-tara, pendant plus de dix ans, a pu peser et jauger ma loyauté et ma fidélité à sa personne et je peux affirmer aussi que, jusqu'à aujourd’hui, le président ne m’a pas donné d’éléments ou d’occasions de douter », insistait-il sur RFI, avant d'ajouter : « ma relation avec le président Ouattara est excellente et est au-dessus des conjonctures temporelles ».
Repositionnement
Pour le journaliste ivoirien Anderson Diedri du quotidien « Le Nouveau Courrier », proche de l’opposition, les récentes sorties médiatiques de Guillaume Soro obéissent à son objectif de « se repositionner » dans le jeu politique après l’épisode de ses ennuis judiciaires. « L’affaire des écoutes téléphoniques l’avait fragilisé et brisé son élan dans la perspective de la présidentielle de 2020. L’annulation du mandat d'arrêt burkinabé vient pour lui comme une bouffée d'oxygène », analyse-t-il. Mais pour ses partisans, « le président de l’Assemblée nationale demeure un modèle pour la jeunesse de Côte d’Ivoire», comme l'affirmait Moussa Koné, président du Mouvement émergent pour la République de Côte d’Ivoire (MERCI), proche de Guillaume Soro. En attendant, l’actuel dauphin constitutionnel n’a sans doute pas encore fini de faire parler de lui, puisqu’il envisage de se prononcer sur tous les sujets, y compris les plus sensibles, à l’ouverture de la prochaine session des travaux de l'Assemblée nationale.
SERGE ALAIN KOFFI