Kevin Adomayakpor : « la classe politique ivoirienne a intérêt à ne pas faire réapparaître ses vieux démons »

Entré en fonction le 16 mars 2016 en remplacement Me Christiane Pelchat. Voici ce que pense Kevin Adomayakpor, le nouveau directeur résident du National Democratic Institute (NDI) de la classe politique ivoirienne et des futures échéances électorales en Côte d’Ivoire.

Comment le NDI compte t- il assurer la démocratie en Côte d’Ivoire ?

Le rôle du NDI (Organisation non gouvernementale internationale chargée de veiller aux normes démocratiques d’une élection), dans le cadre politique en Côte d’Ivoire est d’accompagner les différents acteurs, leur montrer les différents standards et les normes internationales en la matière et partager notre expertise de démocratie. Après, il revient aux acteurs politiques de trouver le consensus. Et nous travaillons pour que cela soit. Mais nous n’avons pas du tout la prétention d’avoir la baguette magique.

Concrètement, comment allez – vous y prendre sur le terrain ?

Avec les organisations de la société civile, sur la base de ce qui a été fait pour l’élection présidentielle de 2015, nous aurons à conduire les missions d’observation de tout l’ensemble du processus (de la révision de la liste électorale jusqu’aux élections législatives) prévues en novembre 2016 selon la Commission électorale indépendante (CEI).

Toutefois, le NDI se tient prêt déjà au cas où le referendum est organisé bien avant les législatives. Sur le terrain, nous allons observer le comportement des acteurs politiques, être en alerte, interpeller et faire en sorte que ce code de bonne conduite soit respecté par tous.

Vous êtes certes le nouveau directeur résident du NDI en Côte d’Ivoire, mais vous connaissez bien ce pays pour y avoir déjà travaillé. Alors dites ce que vous pensez de la classe politique ivoirienne.

Nous pensons qu’après les dramatiques crises que ce pays a connues, la classe politique ivoirienne a intérêt à ce que ses vieux démons ne puissent plus réapparaître.  Elle doit faire en sorte que les dérives du passé ne puissent plus arriver. Certes, elle a le droit de ne pas être d’accord sur des points de vues, mais elle doit respecter les principes de la démocratie (le verdict des urnes, le droit de l’opposition, le droit de manifester, de dire son désaccord et surtout accepter  le jeu de l’alternance) sans mettre à mal la République. Nous  pensons que si le pouvoir et l’opposition comprennent cela, nous aurons beaucoup avancés dans la démocratie.   

Est-ce que les dissensions constatées au sein des différents pôles politiques (FPI et RHDP) ne fragilisent pas la démocratie en Côte d’Ivoire ?

Le fait d’être dans des dissensions au sein d’un parti politique n’est pas une mauvaise chose en soit. Ce qu’il faut plutôt arriver à faire en Côte d’Ivoire, c’est de pouvoir gérer tous ces palabres internes dans un cadre républicain et surtout dans le respect des points de vue des uns et des autres. Car ce qui est regrettable et auquel nous assistons en général, c’est le recours à la violence pour le règlement de ces divergences avec malheureusement à la clé, des pertes en vie humaines. Nous  pensons qu’à ce niveau, les hommes politiques ivoiriens ont du chemin à faire. Pour nous, un bon jeu démocratique, c’est la libre expression des points de vue, parce qu’ils définissent l’héritage et les projets d’un parti.

L’une vos stratégies de travail est aussi les échanges avec les différentes forces politiques du pays. Quels sont à ce jour le bilan de vos consultations ?

Pour l’essentiel, les discussions initiées avec les dirigeants des partis politiques (au pouvoir et ceux de l’opposition) et même les ministres en charge du dialogue politique, ont tourné autour de la question du referendum et le découpage électoral. Une étape très importante du processus à laquelle tient beaucoup l’opposition. Pour  elle, c’est à travers le découpage électoral qu’elle saura s’il y a une volonté politique de faire en sorte que l’ensemble des acteurs politiques soient présents ou pas au parlement.

Et au niveau du NDI, nous sommes pour une représentation le plus large possible au parlement. Cela permettra à tous les acteurs politiques de trouver un cadre d’expression et d’échange pour faire avancer le modèle démocratique de la Côte d’Ivoire. S’agissant du projet de révision constitutionnelle, nous avons constaté que toutes les parties se sont accordées sur la mise en place d’un comité qui travaille sur l’élaboration de ce projet constitutionnel et donc la possibilité d’un débat public autour de la question.

Quel a été le contenu des discussions avec les partis politiques à propos du couplage ou non du référendum et des élections législatives ?

En attendant que le gouvernement ou la Commission électorale indépendante  CEI) ne tranchent sur ces sujets, nous pensons que les arguments avancés d’un côté comme de l’autre valent. Ceux qui sont pour le couplage des deux scrutins, avancent la mesure économique. Pour eux, les élections ont un coût et il est clair qu’organiser deux élections à la suite se fera ressentir forcement  dans le budget national. De plus solliciter par deux fois les mêmes électeurs serait prendre le risque de voir baisser le taux de participation.

Du côté de ceux qui souhaitent que ces deux votes soient séparés, l’argument défendu est que la question de la constitution a été au cœur de plusieurs tensions politiques en Côte d’Ivoire. Même les circonstances dans lesquelles cette constitution  a été adoptée en 2000 ont été très controversées. Alors, ils souhaitent que pour une fois,  il faut donner l’occasion aux ivoiriens de redéfinir le vivre en commun et de choisir librement le modèle démocratique adapté à leurs réalités actuelles et futures, puisqu’il s’agit d’une constitution.

Quelle est dans ce cas la position du NDI à ce sujet?

Techniquement, tenir les deux élections à la même date est faisable. Mais nous disons bien techniquement. Mais, si nous avons un conseil à donner à la classe politique ivoirienne compte tenu des enjeux et du contexte actuel, il serait bien de  dissocier les deux élections. C’est aussi cela la politique. Faire la politique, c’est rendre service, c’est se rendre utile. De plus en plus on parle même de rendre compte. Donc il faut agir de sorte à pouvoir rendre compte de sa gestion. Et nous pensons que les ivoiriens doivent revenir aux valeurs de la politique. Tous les hommes politiques que ce soit au niveau municipal, régional ou même national doivent s’inscrire dans cet esprit.

 

Propos recueillis par Ange Tiémoko

 

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