Abdoulaye Ben Meité « l’immunité parlementaire a ses limites »

Entre 2015 et 2019, cinq parlementaires on fait ou font face à la justice. L’avocat et parlementaire Abdoulaye Ben Meité explique ici les limites de l’immunité parlementaire et celle de l’assemblées nationale et du bureau de l’assemblée nationale.

À la suite de l’épisode judiciaire que nous avons connu avec les députés, pouvez-vous nous définir clairement les limites de l’immunité parlementaire ?

Le législateur a estimé qu’en tant que forgeron de la loi et en raison de l’onction que le peuple lui a donné, le parlementaire doit bénéficier d’une certaine protection, ce n’est pas exclusif au parlementaire. Il y’a aussi le magistrat, les membres du gouvernement, le Président de la République. Il y’a des actes pour lesquels on ne peut rechercher une infraction dans le cadre de l’exercice de ce mandat du parlementaire. Il y a des actes qui sont détachables de l’exercice de la fonction du parlementaire. Pour ces actes, le législateur distingue selon que le parlementaire est en cession ou hors cession. La question de l’immunité est régie par les articles 91 et 92 de la constitution qui stipulent qu’aucun membre du parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou des votes émis par lui dans l’exercice de ces fonctions. Pendant la durée de la cession, aucun membre ne peut être poursuivi ou arrêté en matière criminel ou correctionnel qu’avec l’autorisation de la chambre dont il est membre sauf cas de flagrant délit.

Un ministre de la justice peut-il prendre un arrêté pour dire à un juge du siège de suspendre la décision de condamnation d’un député ?

Il ne peut pas. L’arrêté n’a pas le poids suffisant pour contraindre un juge ou pour freiner l’exercice du pouvoir judiciaire. Le juge obéit à l’autorité de la loi. Donc il faut une règle qui a valeur de loi, qui peut contraindre le juge à suspendre les poursuites. Donc il faut une résolution.  Pour la prise de cette résolution, il faut un quorum qui est de deux tiers. J’ai eu l’honneur, d’assurer la défense du député Yah Touré du PDCI. Alors que j’avais relevé des d’irrégularités dans cette procédure, le procureur de la République a, au prétexte d’une décision du bureau de l’assemblée nationale suspendu les poursuites et mis mon client en liberté. Je m’étais érigé contre cela alors que c’était au bénéfice de mon client. Ce n’était pas légal parce que le bureau de l’assemblée nationale n’avait pas ce pouvoir. Ce pouvoir de suspension de procès n’appartenait qu’à l’assemblée nationale et non au bureau de l’assemblée nationale.

Qu’en était-il des cas Alain Lobognon et Ehouo Jacques ?

Pour le cas de Lobognon, un arrêté du bureau de l’assemblée nationale était insuffisant pour obtenir la suspension des poursuites. Cet arrêté du bureau de l’assemblée nationale n’est pas opposable au juge, si bien entendu celui-ci se conforme à la loi.  S’agissant du cas du député Ehouo Jacques, le procureur de la République a dressé une requête à l’Assemblée Nationale par le canal de son bureau, sollicitant l’autorisation d’arrestation du député Ehouo Jacques. Effectivement, c’est le bureau qui était compétant pour apprécier. Encore faut-il que ce bureau délibère selon les normes règlementaires. Mais là encore aux cours de ses assises, il m’est revenu que le président de l’assemblée nationale a changé les règles du jeu en exigeant un quorum de 2/3 au sein du bureau ce qui, de mon point, est inique et injustifié parce que le bureau de l’assemblée nationale délibère à la majorité simple sur toutes questions.

Ouakaltio OUATTARA

 

 

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