Dans le Ghota politique ivoirien, la seule fonction qu’on connait d’eux est celle de ministre, reléguant dans l’ombre leur formation ou profession initiale. Certains, comme Maurice Bandama, ministre de la Culture et Kandia Camara, ministre de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle, ministres depuis mai 2011, comptent parmi les plus anciens en poste. Mais d’autres « dinosaures », pour avoir été ministres depuis le début de la rébellion, en 2002, leur ont ravi la palme de l’ancienneté dans la sphère gouvernementale.
Hamed Bakayoko, L’homme d’État
Reconduit le 10 juillet dernier à des fonctions de ministre d’État qu’il occupe depuis le 19 juillet 2017, Hamed Bakayoko (53 ans), en plus des relations étroites qu’il a su créer avec le couple présidentiel depuis les années 1995, jouit de sa longévité au gouvernement. Sa première nomination, il l’obtient en mars 2003, avec le portefeuille des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Plusieurs remaniements suivront, mais « Golden Boy », pour les intimes, restera à ce poste jusqu’au 23 février 2010. Il était sur la liste des cadres dont les noms avaient été réfutés par Laurent Gbagbo lors de la formation du deuxième gouvernement Guillaume Soro. Il a atterri néanmoins à la Primature, en qualité de Conseiller spécial, à une période où les rapports entre lui et Soro étaient excellents. Ce n’était qu’une pause pour « Hambak », qui, en avril 2011, est nommé ministre de l’Intérieur. Ce portefeuille s’élargit en mars 2012 avec le titre de « ministre d’État » et, lors de la formation du quinzième gouvernement de la Deuxième République, en mars 2015, il se voit attribuer le volet Sécurité. En juillet 2017, lors de la formation du deuxième gouvernement de la Troisième République, après une mutinerie en début d’année, le Président de la République, Alassane Ouattara, se déleste du ministère de la Défense et le lui confie. Il est d’ailleurs à ce jour le seul ministre d’État.
Abdallah Albert Toikeusse Mabri , Un habitué des chaises musicales
Président de l’Union pour la démocratie et la paix (UDPCI), Abdallah Albert Toikeuse Mabri (56 ans), Docteur d'État en médecine, député depuis 2000, goûte au fauteuil ministériel en mars 2003, en tant que ministre d’État, ministre de la Santé et de la population dans le Gouvernement de Réconciliation Nationale, du 13 mars 2003 au 28 décembre 2005. Il sera « affecté » au portefeuille de l’Intégration entre décembre 2005 et avril 2007, avant de se retrouver aux Transports entre avril 2007 et février 2010. Replié au Golf hôtel, il est ministre du Plan entre décembre 2010 et mai 2011 et devient à nouveau ministre d’État, ministre du Plan et du développement, de mars 2012 à décembre 2016. Comme son curriculum vitae le rappelle, il a été ministre sous les gouvernements Seydou Diarra, Banny I et II, Soro I, II, III et IV, Ahoussou Kouadio, Ducan II, III et IV. Absent du premier gouvernement de la Troisième République, c’est avec joie qu’il refait surface au second, Amadou Gon II, au délicat département de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Contrairement à d’autres chefs de partis politiques, qui préfèrent donner des noms pour la formation des gouvernements, Mabri a choisi d’être toujours présent, faisant siens les conseils de feu Omar Bongo à Guillaume Soro, en 2003. « Un chef doit être aux côtés de ses hommes, là où se prennent les grandes décisions, sinon il finit par les perdre un à un à l’épreuve du pouvoir », avait dit l’ex Président gabonais lors de la formation du Gouvernement de Réconciliation Nationale, quand Guillaume Soro émettait des réserves pour en faire partie.
Kobenan Kouassi Adjoumani, Monsieur Ressources halieutiques
Kobenan Kouassi Adjoumani (55 ans) peut se vanter d’être le seul ministre à conserver les mêmes bureaux depuis août 2002. Le natif d’Amanvi (Tanda, est), titulaire d’une Licence es lettres modernes de l’Université d’Abidjan et d’un Certificat d’aptitude pédagogique à l’enseignement secondaire (CAPES), n’a pourtant rien d’un connaisseur des ressources animales et halieutiques. Réélu Député depuis 1995, de façon continue jusqu’à la législature en cours, le Président sortant du Conseil Général de Tanda, qui avait en charge le département de la Production animale et des ressources halieutiques, se brouille avec Laurent Gbagbo et perd son portefeuille en 2005, avant de côtoyer à nouveau les sphères de décision comme Conseiller spécial à la Primature en 2008. Lors de la formation du 14ème gouvernement de la Deuxième République, avec le Premier ministre Ahoussou Jeannot, le fondateur de « Sur les traces de Félix Houphouët Boigny » retrouve « son portefeuille » des Ressources animales et halieutiques, qui semble depuis être cousu à sa taille.
Aouélé Eugène Aka, Retour à la case départ
C’est un retour à la maison pour le Docteur Eugène Aka Aouélé, qui se réinstalle dans le fauteuil de ministre de la Santé et de l’hygiène publique. Un fauteuil qu’il a déjà occupé entre mars et novembre 2010. Ce pharmacien de 70 ans est connu de la maison et connaît la maison, pour y avoir occupé les fonctions de Directeur adjoint de la pharmacie centrale de la santé publique de janvier 1974 à février 1981 et plusieurs autres fonctions qui lui ont permis de se bâtir une solide et riche expérience. Sa (re) nomination à la tête du département ministériel en charge de la Santé et de l’hygiène publique le 10 juillet dernier apparait comme une surprise pour des observateurs politiques, qui l’avaient rangé au placard, pensant qu’il allait terminer sa carrière derrière son bureau de Président du Conseil régional d’Aboisso. Mais elle intervient dans un contexte de tensions dans ce secteur sensible de la santé. Il hérite, pour ainsi dire, d’un ministère en crise et sous le poids des critiques des populations ivoiriennes.
François Albert Amichia, Un habitué des questions urbaines
François Amichia Albert (66 ans), maire de Treichville depuis 1996 et encore candidat pour les élections à venir, se souvient encore de sa prise en otage par la rébellion, en septembre 2002, avant sa libération quelques jours plus tard. Ministre des Sports et loisirs d’août 2002 à mars 2003, il retrouve ce fauteuil en mai 2015, au détriment d’Alain Lobognon, que l’affaire « primes impayées », non encore élucidée, a emporté. Connu pour avoir fait toutes ses armes au PDCI, il s’est rapproché du Vice-président Daniel Kablan Duncan et croit fermement à un avenir radieux pour le RHDP. Il occupe désormais le fauteuil de ministre des Villes, où d’énormes challenges l’attendent.
M. Sidiki Konaté, L’artisan
L’ex Porte-parole et Directeur de cabinet du Secrétaire général des Forces nouvelles (FN), Sidiki Konaté (50 ans), après avoir été Conseiller politique du Premier ministre Charles Konan Banny en 2005, entre au gouvernement d’avril 2007 à février 2010. Il est en charge du portefeuille du Tourisme et de l’artisanat. Il sera d’ailleurs reconduit à ce poste de février à octobre 2010. Après quelque mois de chômage, il devient ministre de l’Artisanat et de la promotion des PME en juin 2011. En janvier 2016, il perd son portefeuille ministériel dans le prolongement de la guéguerre entre proches de Soro et de Amadou Gon. Il prend du recul avec les deux camps, avant de se réconcilier avec son « ami Guillaume Soro » et, dans la foulée, fait la paix avec Amadou Gon Coulibaly, tout en se rapprochant de la direction de son parti, le Rassemblement des républicains (RDR) et surtout d’hommes-clés comme Hamed Bakayoko et Adama Bictogo. Choix gagnant pour lui, avec sa nomination le 8 juillet au ministère de l’Artisanat, qui décidément lui colle à la peau.